Que retenir de l’actualité règlementaire de 2022 ?

12/01/2023

Profitons de cette fin d’année pour retracer les évolutions réglementaires 2022. L’année a été marquée par certaines avancées, beaucoup de débats et quelques retards. Zoom sur cette actualité réglementaire avec en thématique majeure : l’ESG pour tous.

 
Réglementation environnementale

Depuis mars 2021, le règlement SFDR (« Sustainable Finance Disclosure Regulation ») s’applique à tout produit financier dont les OPC (OPCVM +FIA). Il s’agit d’un règlement important pour l’industrie luxembourgeoise des fonds d’investissement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : le pays est le premier centre financier européen d’administration d’OPCVM/UCITS et de dépositaire avec 4223 milliards d’euros d’actifs, soit deux fois plus que l’Irlande, trois fois plus que le Royaume Uni, quatre fois plus que la France. Plus de 14 000 OPC (selon la Commission de Surveillance du Secteur Financier ou CSSF1) doivent et/ou ont dû détailler dans leur prospectus la classification du règlement SFDR : vert foncé, verte ou pas verte du tout – respectivement les articles 9, 8 ou 6 de SFDR.

Règlements locaux ou nouveautés luxembourgeoises

La CSSF a publié deux nouvelles circulaires quasi en même temps : 22/806 et 22/811. La première porte sur l’externalisation de certaines activités (ICT outsourcing) au Luxembourg, au sein de l’Union européenne (UE) et/ou dans un pays tiers. Plus besoin d’obtenir l’accord de la CSSF, une notification à l’Autorité luxembourgeoise suffit. En revanche un Exit Plan est requis. La seconde circulaire porte sur l’agrément en tant qu’administration centrale et la production d’un reporting à partir de juin 2023. Des précisions pourraient encore être apportées sous la forme d’un questions-réponses.

La nouvelle loi de la titrisation publiée le 4 mars 2022 est applicable depuis le 8 mars 2022. Cette modernisation de la loi de 2004 offre plus de possibilités pour réaliser des opérations de titrisation sous le droit luxembourgeois dans des conditions claires.

Evolution des directives et réglementations européennes

AIFMD 2 : la révision de la directive « Alternative Investment Funds Manager 2 » suit son cours. Il y a une évolution sans changements significatifs, portant sur la délégation, la gestion du risque de liquidités et le traitement réglementaire des conservateurs.

CSDR (« Central Securities Depositories Regulation ») : les pénalités sont applicables depuis le 1er février 2022 mais le buy-in regime est reporté.

EMIR : dans le cadre du programme REFIT (« Regulatory Fitness and Performance programme ») la Commission européenne a effectué une révision technique du texte européen (EMIR Refit) en faisant évoluer la déclaration aux Trade Repositories. Elle a adopté en juin 2022 six textes proposés par l’ESMA. Le but est ici de faciliter le traitement des déclarations et de s’aligner sur les orientations internationales avec plus de données/de champs à compléter. Le nouveau format devrait s’appliquer à partir du 29 avril 2024.

PRIIPS (« Packaged Retail Investment and Insurance-based Products ») : à partir de janvier 2023, tous les OPCVM devront produire un PRIIPS KIID, document d’information clé étendu aux fonds d'investissement UCITS pour les investisseurs de détail.

MiFID2 et la durabilité

Dans le cadre de son plan d’action pour la finance durable et avec la publication et l’entrée en vigueur de deux règlements majeurs (SFDR Règlement UE 2019/ 2088 et Framework Regulation Règlement UE 2020/852, dit règlement Taxonomie), la Commission européenne a dû apporter des modifications à d’autres règlements afin de prendre en compte les éléments de durabilité.

Parmi ces règlements modifiés, les règlements MiFID2 et IDD intègrent ces nouvelles exigences relatives à l’investissement durable.

MiFID22 – ESG est applicable depuis le 2 août 2022 et repose sur la directive européenne relative aux marchés d’instruments financiers (MiFID2) et sur SFDR. Les obligations relatives à la gouvernance « produit » ont été complétées pour ajouter les préférences des clients en matière de durabilité et les facteurs et risques de durabilité pour les instruments financiers. Chaque Etat membre a dû adopter et publier, pour le 21 août 2022 au plus tard, les dispositions nécessaires pour se mettre en conformité avec des modifications additionnelles du cadre MiFID2 en matière de durabilité, conformément à la Directive déléguée (UE) 2021/1269 de la Commission du 21 avril 2021 (qui modifiait la directive déléguée (UE) 2017/593 sur l’intégration des facteurs de durabilité dans les obligations applicables en matière de gouvernance des produits).

Les obligations relatives à ces modifications additionnelles sont applicables depuis le 22 novembre 2022. Elles imposent aux producteurs/concepteurs et distributeurs d’instruments financiers d’agir dans le meilleur intérêt des clients investisseurs pendant toutes les étapes du cycle de vie des produits et/ou des services.

Les orientations finales de l’ESMAsur ces nouvelles exigences en matière de gouvernance « produit » seront publiées durant le premier trimestre de 2023 et feront suite à la consultation publique qui s’est clôturée le 7 octobre 2022. Elles concernent :

  • MiFID2 : Les obligations de gouvernance « produit » relatives à la durabilité s’appliquent notamment aux instruments financiers tels que les actions, obligations, OPCVM, certains instruments dérivés etc.

  • IDD4 : produits d’investissement fondés sur l’assurance (PIA) conçus et distribués par les entreprises d’assurance et les intermédiaires d’assurance.

Le questionnaire profil d’investisseur (Suitability Test) a été enrichi pour tenir compte des préférences du client en matière de durabilité.

Les normes techniques de réglementation (RTS) de SFDR publiées en juillet 2022, apportent des précisions sur le détail du rapport « Principal Adverse Impact » (PAI), à produire sur une base de 18 indicateurs obligatoires et deux optionnels pour un premier reporting au 30 juin 2023 pour l’année 2022. Il convient de mettre en place une méthodologie de classification des actifs et d’être transparent vis-à-vis de ses clients quant à la contribution effective de leurs investissements à la réalisation des objectifs de développement durable.

Cette tâche apparait complexe dans la mesure où l’on a une double définition de l’investissement durable et du DNSH (Do Not Significantly Harm) introduite par SFDR – couvrant aussi bien les objectifs environnementaux que sociaux – et par la Taxonomie européenne – concentrée sur les objectifs environnementaux.

Chaque producteur/concepteur et distributeur doit établir sa propre définition du concept d’investissement durable. Mais il y aura forcément des disparités entre ceux qui pourraient afficher, dans leurs documents précontractuels, des proportions minimales d’investissement durable beaucoup plus élevées que d’autres (p.ex. > 40% vs >15%).

A cela s’ajoute, pour ces investissements à objectif environnemental, la publication du pourcentage d'alignement à la Taxonomie qui reste, à l’heure actuelle, un vrai défi en termes de données disponibles. On anticipe déjà des produits dits verts (art.8 ou art.9) avec un alignement de 0 % à la Taxonomie. A contre-courant de la règlementation, ces divergences peuvent créer une confusion pour les investisseurs sur la durabilité concrète de leurs investissements.

Pour terminer sur la « règlementation durable », la Commission européenne a ajouté le gaz et le nucléaire comme activité économique éligible à Taxonomie. Par exemple, une activité peut être éligible à la Taxonomie si, déjà à faible intensité carbone, elle contribue à la transition vers une économie zéro émission nette d’ici 2050 et permet à d’autres activités de réduire leurs émissions de CO2. Les RTS de SFDR ont été une fois de plus amendés en septembre 2022 pour y intégrer le gaz et le nucléaire.

Le PEPP, un règlement dont on parle peu

Le Pan-European Personal Pension (PEPP) est un produit d’épargne retraite individuelle créé par le règlement européen 2019/1238 du 20 juin 2019. Entré en vigueur le 22 mars 2022, le PEPP peut être commercialisé dans chaque pays de l’UE. Bien qu’un certain nombre d’organismes aient fait savoir qu’ils allaient le proposer, à ce jour aucun PEPP n’a encore été enregistré dans la base européenne. Ce produit d’épargne retraite individuelle se démarque par sa portabilité et s’adresse ainsi aux citoyens européens désireux de continuer à alimenter leur plan d’épargne retraite lorsqu’ils déménagent dans un autre pays de l’UE.

Le défi du réglementaire

Au fil du temps et de l’évolution du digital, la difficulté est de concilier défis règlementaires et nouvelles technologies.

Les applications informatiques doivent être compatibles avec les obligations de conformité réglementaire. Les Fintech, qui fournissent des services financiers de niche grâce à des solutions innovantes, peuvent apporter des clés pour combiner efficacement environnement réglementaire et technologie.

Le régulateur, partie prenante des évolutions du monde financier, fait donc régulièrement évoluer les règlementations de façon à renforcer la protection de l’investisseur pour lui donner ou redonner confiance.

Pour ceux qui croient encore que la conformité est chère, je citerai la célèbre phrase de l'ancien procureur général adjoint des Etats-Unis, Paul McNulty : « If you think that compliance is expensive, try non-compliance ».

, page 4.

Jean-Pierre Gomez, Responsable des Affaires publiques et réglementaires, SGSS Luxembourg

1Source: https://www.cssf.lu/wp-content/uploads/newsletter263.pdf - page 8.
2MIFID : Markets in Financial Instruments Directive ou directive européenne concernant les marchés d’instruments financiers
3 ESMA : European Securities and Markets Authority ou L’autorité européenne des marchés financiers (AEMF)
4 IDD : Insurance Distribution Directive, ou Directive sur la Distribution d’Assurance