
Passage du cycle de règlement/livraison à T+1 en Europe
Le passage du cycle de règlement/livraison à T+1 en Europe marque une étape majeure pour les marchés financiers. Après l’adoption du T+1 aux États-Unis et au Canada en 2024, l’Union européenne se prépare à relever ce défi en octobre 2027. Cette transition, qui réduit le délai de règlement/livraison impose une refonte des processus post-trade, une automatisation renforcée et une coordination accrue entre tous les acteurs du marché. Quels sont les enjeux, impacts et recommandations pour réussir cette évolution stratégique ?
Pourquoi le passage à T+1 en Europe est un défi majeur ?
Le raccourcissement du cycle de règlement/livraison (R/L) est une évolution naturelle des marchés financiers, portée par l’automatisation, la rationalisation et l’harmonisation. Après le passage de J+5 à J+3 dans les années 90 en France, puis à T+2 en 2014 en Europe, l’Europe se prépare désormais à adopter T+1 en octobre 2027.
Un changement d’échelle
Jusqu’à présent, la compression induite par ce mouvement se chiffrait en jours, cette fois-ci, l’unité de mesure est l’heure.
En quelques heures, toutes les étapes entre l’exécution d’une transaction et sa prise en charge par un CSD (Dépositaire Central) devront être réalisées.
Le cycle de nuit des CSDs qui le proposent reste essentiel pour optimiser la « journée de règlement/livraison » : certes une transaction aura jusqu’à T+1 +/-16h pour se dénouer, et dès lors on pourrait être tenté de considérer ces contraintes comme « non nécessaires » et s’interroger sur l’intérêt de s’obliger à tout faire tenir en quelques heures. Mais ce serait oublier le rôle principal tenu par le cycle de nuit qui débute en fin de journée à T dans le processus global. Dans sa version la plus aboutie, c’est le moment où l’optimisation est la plus forte dans la « journée de R/L ». L’industrie l’a bien compris et, de fait, a posé comme postulat de départ la non-dégradation du fonctionnement actuel.
Une gouvernance européenne pour piloter la transition
Pour mener à bien ce passage à T+1, une gouvernance européenne a été mise en place début 2025, sous la responsabilité de l’Industry Committee, réunissant l’industrie, les législateurs et les régulateurs. Son rapport publié le 30 juin 2025 :
Propose un ensemble de recommandations pour permettre un passage réussi à T+1 en octobre 2027.
Est le fruit de 5 mois de travail intensif menés par 10 groupes couvrant toutes les facettes du trade et du post-trade et touchant tous les acteurs de l’industrie (buy-side, sell-side, conservateurs, infrastructures de marché, …). Un 11ème groupe (Operational Time table Coordination Group) devait, quant à lui, redessiner la « journée de R/L » et de rendre possible en 3 heures ce qui aujourd’hui peut se faire en 27 heures.
Propose une approche basée sur « l’adhésion ou la justification »
Est important car il fixe les évolutions à conduire et permet aux acteurs de l’industrie de mieux appréhender les impacts sur leurs activités.
Impacts sur l’écosystème financier
Il devient clair que le passage à T+1 exige de multiples implémentations de la part de tous les acteurs du marché qui doivent collectivement se préparer.
En premier lieu, le traitement des transactions directement concernées (celles portant sur des valeurs mobilières et exécutées sur une plateforme de négociation), nécessite un renforcement de l’automatisation des processus - permettant ainsi de tendre vers du « temps réel » - et de la qualité des données (en particulier lors de la phase d’allocation/confirmation) ainsi qu’un suivi sans délai de tout dysfonctionnement. En effet, les instructions de règlement/livraison devront être transmises dans les temps et dans leur version définitive (les corrections apportées après coup devront devenir exceptionnelles et être effectuées le plus rapidement possible). La mise en place de standards ou de nouvelles pratiques de marché devrait faciliter les évolutions nécessaires.
Mais au-delà, c’est tout l’écosystème qui est impacté par cette évolution.
Citons les effets sur :
Le marché primaire des fonds
Le marché du financement des titres
Les opérations de change
Chaque acteur doit analyser et mettre en œuvre les évolutions nécessaires en 2026 pour être au rendez-vous d’octobre 2027.
Les défis et opportunités de la transition vers T+1 en Europe
Enjeux clés :
Optimisation des processus opérationnels
Renforcement des infrastructures informatiques
Gestion des risques et coordination entre tous les acteurs du marché
Opportunités :
Gains d’efficacité grâce à l’automatisation et la digitalisation
Harmonisation des pratiques pour les activités hors scope du « T+1 obligatoire » : certes, la règle reste un accord bilatéral sur la date de dénouement mais il y a aura un intérêt pour une partie de ces activités à suivre le même cycle en Europe.
En résumé, la transition vers T+1 n’est pas sans défis. Rapidité, qualité, suivi et engagement de tous sont les mots d’ordre pour une transition réussie.