L’investissement responsable, un marché qui gagne en maturité, année après année !

28/11/2019

L’investissement responsable, bien que fortement plébiscité par les investisseurs, laisse apparaître les signes d’une crise de croissance, c'est-à-dire liée à des problèmes de mutation majeurs.

Des pistes d’amélioration ont, néanmoins, été apportées pour répondre aux enjeux majeurs des problématiques Environnementales, Sociétales, de Gouvernance (« ESG ») et de Transformation énergétique.   

Ces dernières années, du fait de la pression mise par les investisseurs institutionnels, l’Investissement Durable et Responsable (Sustainable and Responsible Investment ou « ISR ») est devenu un enjeu majeur dans le secteur de la gestion d’actifs. Bien qu’il soit progressivement reconnu comme une tendance dominante, il reste difficile pour les gestionnaires de répondre aux exigences de leurs clients quant à l’intégration des critères ESG et de Transition énergétique dans des investissements, tout en assurant la performance.

Si les montants des actifs en investissement responsable représentent près la moitié des actifs en gestion, il faut bien reconnaître que le degré d’engagement des acteurs est très variable allant du minimalisme à l’activisme, et que les résultats en termes de CO2 restent en-deçà des objectifs des accords de Paris de 2015.

Et si ce n’est pas simple pour les investisseurs institutionnels qui disposent de larges moyens à leur disposition, c’est encore plus compliqué à ce stade pour les investisseurs individuels. On peut donc se demander pourquoi nous sommes confrontés à une telle situation.

Tous les signes d’une crise de croissance

Sans mettre en doute la sincérité des politiques d’investissement durable adoptées par les gestions ni sous-estimer les résultats obtenus, force est aussi de constater que plusieurs signes témoignent aujourd’hui d’une certaine crise de croissance dans l’investissement socialement responsable… Mais quels sont ces signes ?

  • L’existence de nombreux concepts (investissement vert, investissement éthique, exclusion normatives, global compact, principes d’investissement responsable, investissement durable, investissement socialement responsable, objectifs de développement durables, ...) créant une certaine confusion, même parfois au sein de communautés avisées ;
  • L’utilisation de différents types de sélection (Best-in-Universe, Best-in-Class, leaders, Thematic, Carbon focus) crée une certaine ambiguïté ;
  • Les méthodologiesdéveloppées, qu’elles soient propriétaires ou que leur réutilisation soit autorisée (‘open source’), ne spécifient pas clairement leur domaine d’application et leur granularité (s’agit-il d’un impact local, d’un impact plus global, de la conception jusqu’au recyclage ? comme le titrait le Financial Times en Novembre 2017, une Tesla produit plus de CO2 qu’une voiture de milieu de gamme pour un utilisateur moyen du mid-west américain sur un cycle de vie complet) … ;
  • … Et donc, un manque de méthodologie partagée et d’instruments de mesure reconnus. Comment en effet, dans ces conditions, rendre compte de la réalité des efforts des plus convaincus quand les possibilités de benchmarking sont réduites ? Comment montrer des évolutions quand les instruments ne donnent pas une mesure indiscutable des vitesses de transformation des modèles ? Comment alors convaincre une clientèle retail qui ne dispose pas des moyens d’analyse critique des institutionnels pour se faire une opinion parmi les discours commerciaux ?
  • Un foisonnement de labels plus ou moins verts, avec de nombreux labels basés sur une auto-certification… ;
  • Une communication outrancière sur certains produits proclamés « verts », n’étant bien souvent que du green washing.

Et amplifiant la confusion, des attentes divergentes en termes de rendement de la part des investisseurs.  Certains investisseurs rechercheront, par exemple, des rendements plus importants dans des technologies ou des domaines émergents compte tenue d’une prise de risque considérée comme plus élevée (un projet d’usine de capture du CO2 ambiant, par exemple). D’autres investisseurs se contenteront de rendement plus modeste dans le financement de technologie plus mature, par exemple un projet d’éolien terrestre. Les investisseurs comparent trop souvent ces rendements à ceux des investissements classiques et ce, sur un même horizon de placement. Le cas de Norges Bank est emblématique. En effet, le gouvernement Norvégien, principal actionnaire, a souhaité fin 2018 revoir sa politique d’investissement dans les actifs verts car la gestion éthique, qui consiste à exclure de son portefeuille certains secteurs et groupes, pénalisait la performance1….

La liste n’est pas exhaustive mais nombreux sont les exemples que l’on pourrait encore citer justifiant des difficultés, souvent légitimes, caractérisant cette crise de croissance.

Des solutions pour aller de l’avant

Face à ce constat qui peut paraître sévère, de nombreuses initiatives ont été lancées pour pallier aux difficultés souvent inéluctables pour des sujets aussi vastes que sont ces transformations environnementales, sociétales et de lutte contre le réchauffement climatique.

Les stratégies d’intégration des critères ESG nécessitent des méthodologies claires et certainement plus sophistiquées que la méthode « par exclusion », largement utilisée au lancement de l’ISR. Certaines sociétés de gestion ont donc défini leur propre méthodologie et sont en mesure de justifier et d’expliquer leurs choix d’investissement.

Les méthodologies doivent s’appuyer sur des données fiables et vérifiables sur des périmètres les plus larges possibles. Des fournisseurs de données ont bien compris qu’ils pouvaient jouer un rôle clé dans ce nouveau marché des données. Des mouvements de consolidation se sont organisés au sein de ce marché spécialisé avec par exemple le rachat de Oekom par ISS ou celui de Vigeo par Moody’s, …. Force est de constater que les fournisseurs de données américains ont bâti des parts de marché substantielles.

Les initiatives publiques et les autorités de marché prennent leur part, dans la continuité de leurs efforts incitatifs et normatifs déjà fournis pour rendre l’investissement responsable plus attractif et mesurable. Au niveau européen, les conclusions des groupes TEG/HLEG visant notamment à définir la Taxonomie sont attendus. Pourtant, les analystes les plus sophistiqués demandent une flexibilité, notamment sur la partie environnement où l’ensemble des effets et des causes ne sont pas suffisamment connus.  

Il est de la responsabilité de tous de trouver les bonnes solutions pour avancer dans la mise en place d’un modèle ISR efficace. Il est dans tous les cas certain qu’un des facteurs clés de succès passera par un juste équilibre entre les initiatives privées et celles du régulateur et législateur…. 

C’est une ambition immense et qui peut paraître inatteignable pour nos contemporains impatients. C’est aussi un projet extraordinaire pour des générations en quête de défis. C’est enfin la condition pour rétablir une confiance réciproque entre investisseurs et gestionnaires. La vraie réponse à cette crise ?

Cet article est la conclusion d’un ensemble d’articles sur le sujet de l’ISR, rédigés par un large panel d’experts :

retrouvez ici notre Responsable Investment Magazine (en anglais)

[1] Depuis 2014, le portefeuille boursier de sociétés soucieuses de l'environnement aurait rapporté en moyenne 6,2 % par an, contre 10,6 % pour son portefeuille boursier global. (internet link)