ESG - Volontaire ou réglementaire ? Ou les deux ?

01/09/2023

La mise en œuvre de la finance durable et des objectifs d'investissement "verts" est progressive et implique un changement d'état d'esprit. Il est nécessaire de poursuivre l'éducation pour sensibiliser aux impacts environnementaux. Dans ce contexte, la combinaison des engagements réglementaires et volontaires sur les questions ESG peut être une tâche complexe pour les gestionnaires d'actifs et les investisseurs institutionnels, mais elle est essentielle. Et les asset servicers ont un rôle à jouer.

Réglementation de la finance verte : la nécessité d’un cadre harmonisé

Bien qu’il existe un large consensus sur l’importance de prendre en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans les décisions d’investissement, la mise en œuvre de la finance durable et des objectifs d’investissement « verts » fixés par la Commission européenne est un processus progressif. Pour y parvenir, un changement important d’état d’esprit et d’approche en faveur de l’investissement durable doit d’abord être pleinement réalisé, d’où la nécessité d’une formation plus poussée pour sensibiliser les investisseurs aux impacts environnementaux.

Pour améliorer l’interprétation et la compréhension du règlement européen Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), qui manque actuellement d’informations ESG standardisées et harmonisées, des progrès doivent être réalisés concernant les services de données et d'analyse ESG. L’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) a publié en mai 2022 une directive de supervision mettant l’accent sur l’importance de faire converger la surveillance des autorités nationales compétentes (ANC) afin de soutenir ces transformations et faciliter la comparaison des produits ESG.

En tant qu’acteurs des marchés financiers, les gestionnaires d’actifs sont aujourd’hui tenus de se conformer au règlement SFDR et au règlement-cadre de l’UE sans avoir toutes les cartes en main. Par ailleurs, leur paysage réglementaire devrait encore s’élargir et ils devraient avoir accès à des données de meilleure qualité avec l’introduction de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), précédemment connue sous le nom de NFRD (Non-Financial Reporting Directive).

Le 28 novembre 2022, le Conseil européen a officiellement approuvé la directive CSRD, qui vise à imposer un reporting extrafinancier précis et complet aux entreprises européennes par la publication d’un rapport annuel. L’objectif de cette future directive est d’améliorer la divulgation, la communication, la fiabilité et la qualité des informations fournies par les entreprises sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance.

La CSRD garantira l’alignement avec d’autres initiatives réglementaires de l’UE en matière de finance durable, telles que le SFDR et le règlement de la taxonomie européenne. Cet alignement jouera un rôle crucial pour aider les gestionnaires d’actifs à respecter leurs obligations de conformité, en particulier en ce qui concerne les exigences de déclaration de niveau 2 du SFDR.

A mesure que nous progressons en 2023, ces évolutions réglementaires devraient contribuer à un écosystème financier plus transparent et plus durable, favorisant l’alignement des investissements sur les objectifs environnementaux et sociaux.

L’essor des engagements volontaires : création de valeur à long terme

Ces dernières années, un nombre croissant de gestionnaires d’actifs et d’investisseurs institutionnels se sont volontairement engagés à adopter des pratiques d’investissement responsable. À titre d’exemple, à compter de juin 2023, plus de 315 gestionnaires d’actifs représentant 59 000 milliards de dollars d’actifs sous gestion* sont engagés dans le cadre de l’initiative « Net Zero Asset Managers ». Cette liste inclut notamment Blackrock, et ce malgré les récentes pressions exercées par les investisseurs et les politiques pour que soient réévaluées les stratégies ESG. Cette évolution reflète une reconnaissance plus large de l’importance des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

En prenant des engagements volontaires qui s’alignent sur les valeurs des clients, favorisent l’action climatique, la diversité et l’inclusion et les pratiques commerciales éthiques, les gestionnaires d’actifs répondent à la demande croissante des investisseurs pour des options d’investissement durable et socialement responsable.

L’investissement responsable répond non seulement aux exigences des investisseurs, mais gère également le risque et génère de la valeur, car les gestionnaires d’actifs intègrent l’analyse ESG dans la prise de décision, identifient les risques, saisissent les opportunités et créent des portefeuilles résilients.

Les engagements volontaires améliorent la réputation des gestionnaires d’actifs et renforcent la confiance des clients, des parties prenantes et du public, en montrant leur engagement en faveur du développement durable et de la responsabilité sociale des entreprises.

En considérant l’investissement responsable comme une stratégie de création de valeur à long terme, les gestionnaires d’actifs identifient les entreprises dotées de modèles durables, d’approches innovantes et de pratiques de gouvernance solides. Ils améliorent ainsi la génération de valeur à long terme et contribuent à un écosystème financier durable.

Enfin et surtout, l’adoption proactive de l’investissement responsable permet aux gestionnaires d’actifs de s’aligner sur l’évolution de la réglementation et de les positionner en tant que leaders du secteur, en s’adaptant à l’évolution des dynamiques de marché et aux exigences obligatoires potentielles.

Comment harmoniser et/ou combiner les engagements réglementaires et volontaires sur la thématique ESG

Combiner les engagements réglementaires et volontaires sur les thématiques ESG peut être une tâche complexe pour les gestionnaires d’actifs et les investisseurs institutionnels, mais il est essentiel de créer une stratégie d’investissement ESG efficace et d’atteindre les objectifs de durabilité. C’est un effort à long terme qui exige de l’implication, de l’amélioration continue et de l’engagement.

Il faut commencer par comprendre les normes, les lignes directrices et le cadre ESG en vigueur dans le secteur. Il s’agit notamment de normes internationales telles que les Principes pour l’investissement responsable (PRI) des Nations Unies et les engagements zéro émission nette, qui visent à réduire à zéro les émissions de gaz à effet de serre dans les portefeuilles d’investissement d’ici 2050 ou avant, conformément aux efforts déployés au niveau mondial pour limiter le réchauffement de la planète à 1,5 degré Celsius.

Cette démarche va également de pair avec l’engagement et l’actionnariat actif. Les gestionnaires d’actifs doivent s’engager auprès des entreprises dans lesquelles ils investissent pour les encourager à adopter des pratiques durables alignées sur les engagements pris. C’est particulièrement vrai et efficace sur les marchés privés où les gestionnaires d’actifs doivent s’engager activement auprès de leurs bénéficiaires pour une meilleure gestion des risques ESG et une meilleure valeur à long terme.

Comment choisir le cadre volontaire ? Il faut commencer par identifier les buts et objectifs que la société de gestion cherche à atteindre, c’est-à-dire promouvoir des pratiques durables ou améliorer la résilience climatique.

Défis à la transition 

Compte tenu plus spécifiquement des actifs privés, il est essentiel de mesurer les risques et les opportunités liés à la durabilité pour un processus décisionnel efficace. Il n’existe cependant pas de données et d’indicateurs standardisés pour évaluer la performance des entreprises et des investissements en matière de durabilité.

Alors que pour les entreprises cotées, les données sont disponibles via les différents fournisseurs de données, l’accès aux données ESG pour les gestionnaires d’actifs des marchés privés est un autre défi auquel ils sont confrontés.

En effet, à défaut de pouvoir acheter les données auprès des fournisseurs de données, les gestionnaires d’actifs des marchés privés doivent collecter et interpréter les données eux-mêmes, ce qui constitue un défi. Au cours des dernières années, nous avons vu plusieurs exemples d’entreprises ayant obtenu de très bons résultats en matière d’ESG qui se sont retrouvées au cœur d’un scandale ESG. En plus d’être exposées directement aux risques ESG, les entreprises peuvent également être mises en difficulté par le risque de réputation.

C’est un domaine dans lequel les asset servicers doivent apporter une contribution active, en proposant des services allant de l’aide aux gestionnaires d’actifs pour naviguer dans les cadres réglementaires à la collecte et l’analyse de données, en passant par l’aide au respect des exigences en matière de rapports ESG et de divulgation, le suivi des performances et enfin, l’engagement associé à des plans d’action pour un avenir meilleur et une meilleure valorisation !

Article paru en août dans Option Finance.

Fouad Massabni, Head of ESG commercial offer, Societe Generale Securities Services et Jean-Pierre Gomez, Head of Regulatory & Public Affairs Societe Generale Securities Services Luxembourg