Démocratiser l’investissement : une opportunité et des défis à relever

02/01/2023

Depuis plusieurs années déjà, les sociétés de gestion ont cherché à diversifier leurs cibles d’investisseurs en se tournant vers des marchés nouveaux et plus ouverts que la seule clientèle des entreprises et investisseurs institutionnels.

D’une part, nous sommes tous conscients que l’accès facilité à des produits financiers nouveaux et performants sera de nature à attirer une nouvelle classe d’investisseurs, plus jeune et de nature à renforcer la base des clients existants. Mais d’autre part, nous assistons aussi à un souhait de diversification plus grand de la part d’investisseurs traditionnels, en recherche de performance et d’accès à des marchés considérés jusqu’à présent comme des marchés de niche ou réservés à quelques experts. Parmi ces nouveaux segments de marché, nous retrouvons les clients de la Gestion Privée, family offices et autres entrepreneurs et particuliers fortunés. Il s’agit également pour ces clients d’accéder à de nouveaux types de produits (basés sur la Blockchain, sur des actifs non-listés ou sur des fonds indiciels).

Nous parlons alors de fonds de private equity, d’infrastructures, de fonds immobiliers, voire de produits de type « crypto ». En termes d’opérations, on parle d’une augmentation de 55% des transactions dans le capital-investissement1 pour 4.8 milliards d’actifs investis en France2. Et Schroders confirme l’arrivée de nouveaux investisseurs3 dont on évalue à un tiers la tranche des 25-35 ans.

C’est une véritable opportunité à saisir pour les sociétés de gestion, à un moment où l’inflation amène les investisseurs à revoir leurs stratégies d’épargne et de placements financiers.

Cependant, cette évolution des marchés s’accompagne de contraintes qui sont autant de conditions de succès, longuement discutées au sein de l’industrie :

  • Ces nouveaux clients souhaitent « donner du sens à leur patrimoine » ; il s’agira donc de proposer des placements soucieux de préserver l’environnement et de tenir compte de critères socialement responsables dans le choix des actifs investis. Pour cela, nous pouvons désormais nous appuyer sur de nombreuses initiatives depuis 2008 (Principes pour l’Investissement Responsable, Principes pour un investissement à impact positif, Net-Zero Banking alliance) auxquelles le Groupe Société Générale a adhéré et pour lesquelles le groupe a souvent joué un rôle fondateur.

  • Au-delà des critères ESG4, les gérants devront renforcer la pédagogie sur les nouveaux types d’investissement et s’assurer de les proposer dans un cadre sécurisé pour l’investisseur. On le savait dans le passé avec les produits à effet de levier et les produits structurés ; on le voit aujourd’hui avec les crypto-monnaies et les nouvelles propositions s’appuyant sur la technologie Blockchain. Les nouveaux investisseurs ont besoin de comprendre ces produits, mesurer le niveau de risque auquel ils s’exposent, et bien entendu il faudra se conformer à la réglementation MIFID qui s’assure de l’adéquation entre les investissements et le niveau de compréhension du risque par les investisseurs. Il existe aujourd’hui des moyens d’améliorer la qualité de production des rapports de gestion, ou encore de proposer des solutions sur des crypto-actifs dans un cadre parfaitement régulé (tant du point de vue des acteurs concernés, avec des règlementations comme celle sur les Prestataires de Services sur Actifs Numériques en France (PSAN en France ou CASP dans le monde anglo-saxon) et surtout les règlementations MiCA ou le futur régime pilote qui permettra d’harmoniser les règles européennes et donc de faciliter leur compréhension par les investisseurs de l’Union européenne.

  • L’ensemble de ces questions nécessitent un environnement technologique nouveau, que devront proposer les sociétés de gestion et les prestataires de service à qui ils sous-traitent une large partie des activités au quotidien. Il s’agira en particulier de gérer un plus grand nombre de porteurs de parts, et d’assurer la distribution de ces nouveaux produits financiers dans des réseaux (physiques ou en ligne) qui les supporteront, y compris dans l’information à apporter aux investisseurs. Nous assistons donc à la transformation d’un modèle auparavant B2B en un modèle de distribution B2B2B ou B2B2C. Il s’appuie autant sur de nouvelles plates-formes clients proposant des « portails investisseurs » ou plus généralement des solutions « en marque blanche » sur lesquelles peuvent s’appuyer les gestionnaires. A titre d’illustration, c’est ce que propose Société Générale Securities Services avec son portail de distribution de fonds ETF ou l’aide au lancement de fonds UCITS à compartiments multiples.

  • Enfin, et cela reste un enjeu majeur qui permet de monter en puissance sur les solutions ESG, il faut disposer d’un patrimoine de données enrichies, mises à disposition dans de nouvelles solutions (de type Cloud). Ceci permettra à la fois de renforcer la capacité de produire puis de mettre à disposition des reportings plus riches et plus fréquents, mais surtout de faciliter la mue du gestionnaire de fonds vers un gestionnaire 2.0 capable de comprendre et de maîtriser la donnée et les modèles pouvant s’appuyer sur des techniques d’Intelligence Artificielle, mais surtout de pouvoir distribuer ses produits à une nouvelle clientèle, plus technophile.

Article publié en décembre 2022 dans Funds Europe.

Yvan Mirochnikoff, Head of Digital Solutions - Societe Generale Securities Services.