La réglementation en matière de finance durable : un accélérateur pour l’industrie de la gestion d’actifs ?

10/03/2023

Nous connaissons depuis quelques années une montée en puissance importante des enjeux RSE au sein de la finance poussée par l’urgence de certains défis majeurs tels que le Changement Climatique ou le déclin de la biodiversité, la prise de conscience des leviers que nous avons en tant qu’investisseur et le potentiel de création de valeur au sein des entreprises dans lesquels on investit.

En conséquence, nous connaissons également depuis 2 à 3 ans une accélération extrêmement forte de la réglementation en matière de finance durable.

Pourquoi ?
  • La nécessité d'orienter les flux de capitaux vers des investissement responsables

  • Inciter les acteurs à mieux intégrer la dimension gestion des risques et d'avoir une vision long terme

  • Apporter un cadre à ces démarches qui émergent de toutes parts afin d'élever le niveau de jeu et de limiter le greenwashing

L'Europe avec son plan d'action finance durable a fait figure de pionnier dans l'encadrement des pratiques ESG de la finance avec notamment la fameuse Taxonomie Européenne et la Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR), 1ère réglementaire européenne spécifique au secteur financier.

L’objectif ?

Créer un cadre clair, structuré et surtout homogène en vue d’harmoniser et de renforcer la transparence des produits durables du marché financier en Europe et ainsi limiter toutes tentatives de greenwashing.

Cette réglementation apporte donc des réponses tant attendues sur la manière de définir des objectifs, de communiquer nos engagements et de qualifier nos actions et ambitions relatifs à la durabilité.

Beaucoup de sociétés de gestion étaient déjà engagées dans une démarche RSE mais de manière très hétérogène et peu cadrée. Il restait encore beaucoup d’acteurs trop peu ou pas engagés.

Le Sustainable Finance package est un réel accélérateur dans la mise en place d’une démarche RSE, qui devient un must-have plutôt qu’un nice-to-have. Il devient difficile pour les sociétés de gestion de déclarer ne pas prendre en compte ces enjeux, chacun souhaitant se mettre au niveau des best in class sur ces sujets.   

Elle apporte un cadre aux bases que nous devons mettre en place pour avoir une démarche solide et transparente, elle nous pousse à systématiser l'intégration de l'ESG dans nos process, à nous engager vis-à-vis de nos investisseurs et à respecter ces engagements.

Nous ne sommes plus dans la déclaration d'intention ou dans le best effort.

Nous devons définir ce qui caractérise notre démarche et nous engager à la respecter contractuellement puisque cela est dans nos règlements de fonds.

Quel impact ?

Nous devons maintenant définir notre ambition, la systématiser dans chacun de nos investissements, industrialiser nos procédures pour généraliser cette démarche et la suivre. Former, sensibiliser aussi bien les équipes d’investissement qui doivent faire vivre ces engagements au niveau des fonds que les équipes de relations investisseurs qui doivent expliquer aux investisseurs quels sont ces engagements. Nous devons également sensibiliser et accompagner les sociétés investies à grandir sur les sujets de durabilité. Il s’agit alors de mobiliser nos collaborateurs, nos parties prenantes, et une partie de nos ressources au service de ces enjeux.  

Elle laisse cependant un grand nombre de questions encore sans réponse car elle a soulevé des enjeux forts et des spécificités liés à notre métier.

La réglementation Finance Durable est une réglementation à étages : le règlement SFDR lui-même (niveau 1), le règlement délégué SFDR (niveau 2) et les multiples publications de la Commission européenne et des autorités européennes de supervision rendent la lecture de l’ensemble de l’édifice illisible pour les néophytes (et même ardue pour les « experts »)

Elle est très évolutive à l’instar de la Taxonomie Européenne qui va être complétée par de nouvelles thématiques dans les mois à venir. 

Les besoins de communication et de pédagogie vis-à-vis des acteurs de la Place sont colossaux. Beaucoup de sociétés de gestion sont de très petites tailles et peu équipées pour faire face à cette arrivée massive de réglementation en matière de finance durable.

Certains investisseurs institutionnels souhaitent investir prioritairement dans des fonds art. 9 SFDR car eux-mêmes doivent respecter certaines règles. Or attention, la règlementation SFDR n’est pas une labellisation, il s’agit de règles sur la transparence et la publication d’informations à la main des acteurs financiers concernés.

En effet, pour rappel, on parle de classification produit selon SFDR en produit/fonds « art.6 » (pas de spécificité ESG de ces fonds), fonds « art. 8 » (promotion de certaines caractéristiques ESG) et les fonds « art. 9 » (fonds comportant uniquement des investissements durables au sens de SFDR).

Très rapidement à la sortie de la SFDR, l’article 9 a été considéré comme le niveau le plus vertueux et donc il devenait nécessaire pour montrer son engagement de viser principalement cette catégorie.

Il faut cependant nuancer la hiérarchisation des Articles 8 ou 9; l’article 9 n’est pas trop exigeant mais il caractérise une thèse d’investissement très particulière, principalement sectorielle ou thématique, alors que l’article 8 donne la liberté aux fonds d’intégrer la RSE de manière plus ou moins poussée dans leur process et permet au plus ambitieux d’agir concrètement pour la transformation des sociétés investies, quelle que soit leur activité ou leur niveau de maturité ESG lors de l’investissement.

La réglementation en matière de finance durable n'est pas un label qui garantit une uniformisation des pratiques. C'est un cadre dans lequel nous pouvons définir nos stratégie RSE et dans lequel nous devons nous engager formellement vis-à-vis de nos investisseurs.

Voir au-delà des contraintes réglementaires

Nous sommes donc dans un monde de contraintes réglementaires mais aussi et surtout d'urgences environnementales et sociétales à adresser qui impactent la pérennité des entreprises que nous accompagnons et la capacité des générations futures à vivre durablement sur notre planète. Les entreprises doivent donc tout particulièrement se mobiliser face à ces enjeux.

Car en effet, ces réglementations ne sont pas seulement là pour nous contraindre, elles sont principalement liées à une prise de conscience globale des grands enjeux auxquels nous faisons face, principalement l’accélération du changement climatique et la crise de biodiversité.

Ne nous focalisons donc pas seulement sur des sujets de compliance. Notre mission doit demeurer avant tout d’accompagner les entreprises dans leur transformation durable et dans leur transition écologique. Et la bonne nouvelle c'est que nous avons en tant qu’investisseur les leviers pour agir !

Noëlla  de Bermingham, Chief Sustainability Officer,  Andera Partners 

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