PEPP : le plan de retraite privé européen labellisé par l’UE

05/11/2020

Le Plan de Retraite Privé Européen labellisé par l’UE : pourquoi un tel produit ? Quels acteurs proposeront le #PEPP et quels seront les écueils et challenges ?

La crise financière de 2008 a eu pour conséquence la mise en place d’une série de directives et de règlements au sein de l’Union Européenne (UE) pour, entre autres, mieux réguler le secteur financier, protéger d’avantage l’investisseur et favoriser la croissance et la création d’emplois. 

En marge de ces règlements, s’est posée la question des régimes de retraite actuels et futurs pour les citoyens européens. Il existe plusieurs systèmes de retraite en Europe et ils diffèrent d’un pays à l’autre. Il y a bien entendu la retraite légale, le plan souscrit ou proposé par l’employeur en faveur de ses salariés et la retraite complémentaire que le citoyen contracte de sa propre initiative.

D’après une étude réalisée en 2018 par l'Autorité Européenne des Assurances et des Pensions Professionnelles (AEAPP)1, 27% des citoyens européens âgés de 25 à 59 ans, soit 67 millions d’individus, auraient souscrit à un plan de retraite complémentaire.

De façon à compléter l’offre actuelle, la Commission européenne a proposé en juin 2017 la mise en place d’un produit paneuropéen d'épargne-retraite individuelle (PEPP). Il s’agit là d’un produit de retraite individuel non professionnel souscrit volontairement par un épargnant en vue de sa retraite. Il est conçu pour accumuler du capital à long terme, les possibilités de retrait anticipé du capital en sont limitées et potentiellement pénalisées.

Pourquoi un PEPP ?

L’objectif premier de ce produit est de permettre à tout citoyen européen de bénéficier, à l’âge de sa retraite, d’un revenu complémentaire lui permettant de vivre plus aisément.

Un second objectif est d’intérêt économique : celui du financement d’entreprises par l’épargne. Les montants souscrits dans ce type de plan de retraite permettront de financer à long terme un certain nombre de projets européens pour les entreprises.

L’épargnant pourra choisir parmi six options d’investissement proposées par le fournisseur de PEPP en début du contrat et aura la possibilité de modifier son choix au moins une fois tous les cinq ans. Le règlement européen prévoit que toutes les options d’investissement soient conçues « sur la base d’une garantie ou d’une technique d’atténuation des risques, qui assurent aux épargnants PEPP une protection suffisante ».

Le PEPP propose également une possibilité de portabilité des comptes en cas de changement de domicile d’un épargnant au sein de l’Europe. L’épargnant nouvellement installé dans un autre Etat membre pourra alors faire ouvrir un sous-compte de son PEPP : une section nationale correspondant aux exigences juridiques et aux conditions d’utilisation liées aux éventuelles incitations fixées au niveau national. L’épargnant continuera ainsi à souscrire au produit de retraite qui répondra aux exigences locales.

Quels acteurs proposeront le PEPP?

Pour être distribué, le PEPP doit être enregistré au registre public centralisé tenu par l’Agence Européenne des Assurances et des Pensions Professionnelles (AEPP).

Différents fournisseurs de produits financiers peuvent le proposer : les compagnies d’assurance, gestionnaires d’actifs, banques, les institutions de retraite professionnelle et entreprises d'investissement fournissant des services de gestion de portefeuille, ainsi que les sociétés de gestion et gestionnaires européens de fonds d'investissement alternatif.

En plus de ces acteurs traditionnels, une nouvelle catégorie de distributeurs apparaît avec les ‘’Big Tech’’ (Facebook, Amazon) et les sociétés dites ‘’Fintech’’.

La possibilité de distribuer le PEPP est vue par ces acteurs comme une opportunité de pénétrer le marché des plans de retraite privés. Nous assisterions alors à la diversification de l’offre de services des Big Tech comme celle de plus petites sociétés, les Fintech. Elles saisiront cette occasion d’offrir un produit relativement bon marché, innovant et durable. Des partenariats entre ces sociétés et les gérants d’actifs financiers sont à prévoir.

Des écueils à la mise en place du PEPP ?

Depuis 2012, l’UE s’est dotée des réglementations nécessaires au renforcement de la protection de l’investisseur, de façon à normaliser l’ensemble des activités de l’industrie financière.

En 2015, l’Union des Marché des Capitaux mise en place a mentionné l’objectif de créer plus de croissance et d’emplois en Europe. Force est de constater que l’atteinte de cet objectif est à ce jour mitigé dans la mesure où la croissance escomptée n’est pas au rendez-vous.

Depuis la crise financière de 2008, en raison des taux d’intérêt proches de zéro voire négatifs le citoyen européen n’investit que très peu dans les produits financiers. Les investisseurs continuent de favoriser les liquidités, dépôts bancaires ou investissements immobiliers face au faible rendement des marchés de capitaux. Ce détournement des marchés est un frein à la reprise de la croissance alors que les dépôts bancaires financent déjà l’économie réelle.

Le PEPP saura-t-il convaincre les citoyens désireux d’épargner à long terme pour leur retraite, s’il n’est pas possible de garantir aux épargnants une rentabilité ou des performances suffisantes ? Les cycles économiques de plus en plus courts des investissements actuels sont-ils compatibles avec les investissements financiers à long terme ?

Aussi comment avoir l’assurance que ce nouveau produit ne soit pas pénalisé par rapport à d’autres produits domestiques d’épargne retraite ? Bénéficiera-t-il notamment du même traitement fiscal ? Enfin, notons que le règlement PEPP ne prévoit pas la possibilité de transformer son plan de retraite privé domestique existant en PEPP.

Les challenges de l’AEAPP

Le règlement sur le produit d’épargne européen a été adopté le 20 juin 2019 par le Parlement européen et le Conseil de l’Europe avec une publication au journal officiel de l’UE du 25 juillet 2019.

L’AEAPP doit encore soumettre à la Commission européenne des projets de normes techniques en vue de leur adoption au moyen d’actes délégués. Ces mesures techniques dites de niveau 2 sont nécessaires pour transposer les textes et mettre en place la distribution de ce nouveau produit.

Pour arriver à cet objectif, l’AEAPP a lancé le 24 février dernier une consultation publique sur les principaux aspects du dispositif. Les parties prenantes de cette consultation comme les gérants d’actifs et  assureurs vont ainsi contribuer à la mise en œuvre de ce règlement PEPP. Une base réglementaire favorable et adaptée aux épargnants européens sera alors instaurée.

Le PEPP pour anticiper un éventuel problème de retraites en Europe

Les systèmes de retraite en Europe sont complexes et variés. Fruits de l’histoire du dialogue social de chaque pays, ils reposent sur trois piliers : les régimes publics de retraite liés aux revenus, les régimes privés de type professionnel et les plans de retraite individuels.

Tout en constatant que le premier pilier est appelé à rester majoritaire dans le dispositif des retraites, la Commission observe que la plupart des Etats membres de l’UE ont mis en place des réformes explorant d'autres voies.

La Directive 2014/91/UE sur les fonds de pension applicable depuis janvier 2019, date butoir de transposition en droit local pour les Etats membres de l’UE marque la volonté de la Commission européenne de fournir des retraites plus sûres au niveau européen.

Le PEPP confirme cette nécessité de développer des formes d’épargne retraite complémentaire en raison notamment de l’anticipation de la diminution des prestations des systèmes publics de retraite.

Et le Luxembourg ?

Au sein de l’UE, le Luxembourg reste leader de la domiciliation, de la distribution et des services prestés aux fonds d’investissement2. Ce secteur croît et continuera de croître avec la volonté d’augmenter l’épargne salariale et de favoriser un régime européen de plan de retraite privé ou salarial.

Avec son savoir-faire reconnu dans la gestion et la distribution des OPCVM, qui mieux que le Luxembourg – où sont domiciliés à ce jour 11 fonds de pension3 – pour participer au développement économique de ce nouveau produit ? En capitalisant sur son expertise spécifique à l’industrie européenne, le pays pourrait devenir une plate-forme de création et de distribution des PEPP au sein de l’UE.

Les obligations de désignation d’une banque dépositaire qui pèsent sur les fournisseurs de PEPP vont se traduire par un gain d’activités des services de banque dépositaire. Vraisemblablement, des opportunités vont s’ouvrir également pour la banque privée et la banque de détail.

Prochaine étape

Le coût total d’un PEPP « basique » serait plafonné à 1% du capital accumulé, bien au-dessus du coût d’investissement appliqué actuellement en Europe (de 30 à 40 points de base). L’une des conditions importantes du succès du PEPP est néanmoins son traitement fiscal qui se doit d’être favorable. Sachant cela et compte tenu du fait qu’un certain nombre de clarifications sont encore attendues, le premier PEPP ne devrait pas voir le jour avant 2022.

Article écrit sur AGEFI Luxembourg.

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Glossaire

OPCVM: organisme de placements collectif en valeurs mobilières


2 Source : ALFI (Association Luxembourgeoise des Fonds d’Investissement)

3 Source : ALFI