MIFID 2 et finance verte : impacts et changements pour les acteurs du marché

15/09/2022

En raison de la réglementation « SFDR*» (niveau 1 en vigueur depuis le 10 mars 2021 et niveau 2/RTS à partir de janvier 2023), certaines modifications ont été apportées à la directive sur les marchés d’instruments financiers (MiFID) II et à la directive sur la distribution d’assurances (DDA ou Insurance Distribution Directive, IDD) avec le règlement délégué 2021/1253 sur les nouvelles exigences en matière d’évaluation de l’adéquation.

Cela signifie qu’à partir du 2 août 2022, les entreprises d’investissement doivent tenir compte des risques en matière de durabilité dans toutes les procédures décisionnelles et, lorsqu’elles fournissent des conseils financiers, obtenir de leurs clients leurs préférences en matière de durabilité dans le cadre du processus d’adéquation. Les nouvelles exigences en matière d'évaluation de l'adéquation prévues par la directive européenne MiFID constituent un événement ambitieux du plan d'action pour la finance durable de la Commission européenne.

Pour rappel, MiFID s’applique aux activités de conseil en investissement et de gestion de portefeuille. Afin de garantir que les produits financiers sont conformes aux valeurs des investisseurs, une nouvelle version du test d'adéquation sera structurée de manière à recueillir les préférences des investisseurs en matière d'investissements verts. Les informations fournies aux investisseurs (particuliers) pour évaluer les fonds proposés doivent être exactes, équitables, claires, simples, concises et non trompeuses (article 8, paragraphe 3, et article 9, paragraphe 5, SFDR). Le nouveau règlement MiFID vise à promouvoir les produits financiers durables, en évitant le marketing « vert » et en luttant contre le greenwashing (écoblanchiment).

Les distributeurs, en tant qu'acteurs du marché financier dans le cadre de la réglementation "SFDR", devront donc poser à leurs clients plusieurs questions clés concernant leur souhait ou non d'investir dans des actions « durables ». Si le client répond qu’il souhaite réaliser des investissements « verts », le distributeur devra alors lui demander quelle part de son portefeuille il souhaite allouer aux options de durabilité ?

Cette approche doit s'appuyer sur la définition de l'Union européenne et sur l'utilisation des filtres SFDR (drapeaux) comme point de départ du filtrage. Ces filtres permettent de savoir comment qualifier un portefeuille : article 8 ou 9 etc. Cependant, cela reste un défi en l’absence de définition de la durabilité, tandis que la future industrie verte est confrontée à différentes méthodologies d'évaluation des facteurs ESG1.

Il y a un réel intérêt de la part des distributeurs et des gestionnaires d’actifs à comprendre les préférences de leurs clients en matière de durabilité. Les gestionnaires d’actifs peuvent s’intéresser à différentes façons d’envisager l’investissement durable. Ils peuvent appliquer des exclusions, limiter l’exposition au risque ESG, rechercher des opportunités ESG et/ou cibler des thèmes de durabilité.

Avant SFDR, certains gestionnaires d’actifs avaient leur propre définition et leurs propres critères lors de la sélection des investissements verts et une grande flexibilité pour décider ce qui pouvait être vert ou non vert, durable ou non, en utilisant leurs propres méthodologies sur mesure. SFDR impose désormais de nouvelles réglementations contraignantes. Cependant, les gestionnaires de portefeuille dotés d’une expertise ESG de longue date peuvent continuer à appliquer leur propre interprétation, en utilisant leurs propres outils et modèles pour respecter la réglementation SFDR, tant qu’il n’existe pas de convergence des méthodologies ESG au sein de l’Union européenne. En d’autres termes, à ce jour, SFDR n’empêche pas les gérants d’actifs d’utiliser leurs propres méthodes ESG, sous réserve que ces méthodes soient justifiables.

D’un autre côté, ce qui reste important et critique pour les distributeurs / fournisseurs de produits dans le cadre de MiFID, c’est d’identifier les investissements verts qui correspondent le mieux aux préférences des clients. Cela peut être fait grâce à une combinaison de tous les styles d’investissement mis en place par les gestionnaires d’actifs. Une combinaison claire et équitable permet ainsi de respecter à la fois les objectifs d’épargne et d’investissement et les limites de risque des investisseurs/clients.

Comment cela fonctionnera-t-il dans la pratique reste une question ouverte. C’est avant tout un défi technique ! Les acteurs ont besoin de sources de données ESG ou climatiques précises et fiables pour calculer les KPI2, les PAIet classer/répertorier les meilleurs investissements dans les portefeuilles (de fonds). Même si l’on dispose de données brutes correctes, la variété des méthodologies ESG en l’absence de définition universelle des facteurs ESG pourrait fausser la comparaison des produits verts. Cela peut être compliqué pour les ANC, autorités nationales compétentes dans leur rôle de supervision de la diffusion des informations liées à la durabilité et de l’intégration des risques en matière de durabilité. Récemment, le 31 mai 2022, l’ESMA4 a publié son document d’information sur la surveillance afin de fournir des orientations aux autorités nationales compétentes pour la surveillance de la documentation des fonds et des supports marketing. L’ESMA a insisté sur ces obligations, soulignant ses objectifs visant à renforcer la convergence en matière de surveillance dans l’ensemble du marché intérieur de l’Union européenne.

Seulement un défi technique ?

Un défi humain de taille émerge pour rendre l’information ESG compréhensible. Ceci est clairement lié à l’éducation. L’information doit aujourd’hui être plus pratique que théorique. La communication avec les investisseurs ESG doit rester facile, fluide et se concentrer sur les besoins des investisseurs.

La plupart d’entre nous s’accordent sur la nécessité d’investir en tenant compte de manière approfondie et sérieuse de ces facteurs ESG. Cependant, en étant pragmatique, il faudra du temps pour atteindre l’objectif de la Commission européenne. L’un des problèmes est que les investissements dits « verts » peuvent encore être coûteux et que les gens préfèrent l’électricité verte tant qu’elle est moins onéreuse. En outre, l’état d’esprit des personnes/investisseurs et des entreprises va continuer d’évoluer car notre économie est cyclique et génère des changements dans les comportements. L’éducation et une sensibilisation accrue aux impacts environnementaux en sont les principaux moteurs. L’actuelle portée des critères ESG qui prennent en compte les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance est saturée de terminologies et de types de stratégies variées, créant de nombreuses interprétations possibles pour les facteurs de durabilité et ESG. Les services de données et de reporting ESG évolueront plus rapidement en fonction du rythme de la normalisation et de l’harmonisation des informations diffusées sur l’ESG. En conséquence, attendons de voir comment l’industrie financière verte peut intensifier ses efforts pour parvenir à cette « transparence verte » attendue depuis de nombreuses années par les investisseurs, les consommateurs et les « producteurs » financiers intéressés par l’économie verte, l’environnement et la préservation de la planète.

L’intérêt pour ces sujets est repris par nos décideurs politiques et les institutions européennes, qui tiennent à fixer des indicateurs environnementaux pour mesurer les progrès réalisés, mais qui n’avancent pas au même rythme dans la mise en œuvre de la normalisation européenne en matière de production et de supervision de ces indicateurs.

Article paru dans le Supplément Green Finance distribué avec Finance, Der Treasurer & DPN en septembre 2022.

Jean-Pierre Gomez, Responsable de la Réglementation et des Affaires Publiques, Société Générale Securities Services Luxembourg


*SFDR: Sustainable Finance Disclosure Regulation
1 ESG : Environnement, social et gouvernance
2KPI : Indicateurs clés de performance

3PAI : Principaux impacts négatifs

4ESMA : autorité européenne des marchés financiers