Les marchés frontières et émergents sur le devant de la scène

26/01/2021

La faiblesse des taux d’intérêt et la distorsion des cours des actions sur les marchés développés contraignent les investisseurs institutionnels à repenser les expositions de leurs portefeuilles. Dans ce contexte, certains investisseurs commencent à rechercher des opportunités d’alpha sur les marchés frontières et émergents.

Société Générale Securities Services (SGSS) a participé à un certain nombre de tables rondes au cours de la réunion d’automne du Virtual Network Forum fin 2020, qui analysait en profondeur comment les investisseurs internationaux peuvent se repérer au mieux à travers ces économies émergentes et frontières. 

CEMAC : À la recherche d’une nouvelle frontière

Les marchés de la CEMAC (Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale), qui comprennent le Cameroun, la République Centrafricaine, le Tchad, le Gabon, la Guinée Equatoriale et la République du Congo, sont confrontés à trois défis existentiels : la COVID-19, les problèmes de sécurité actuels et les retombées de la détérioration des cours du pétrole ; trois thématiques qui ont une incidence négative sur les finances publiques, comme l’a expliqué Louis Banga-Ntolo, directeur général, SG Capital Securities, Afrique Centrale, chez Société Générale. Malgré cela, les marchés de la CEMAC cherchent à diversifier leurs économies, comme en témoigne l’engagement d’un grand nombre de pays de la région à privatiser certaines de leurs industries publiques. Louis Banga-Ntolo a ajouté qu’au cours des deux prochaines années, 10 entreprises devraient être cotées à la Bourse des Valeurs Mobilières de l’Afrique Centrale (BVMAC), la bourse régionale de la CEMAC, ce qui devrait accroître la capitalisation boursière globale de 0,52 milliard d’euros à 1,52 milliard d’euros.

Être conscient des risques

Du point de vue des investissements, la CEMAC pose des risques. Bien qu’il voie d’un bon œil les différentes initiatives de privatisation à travers la CEMAC et les avantages qu’elles apporteront en termes de liquidités supplémentaires, Godfrey Mwanza, responsable de la franchise Afrique chez Absa Asset Management, a souligné qu’il était essentiel de prendre très au sérieux la gouvernance au sein de ces entreprises nouvellement cotées.

Les privatisations sont intéressantes du point de vue de la gouvernance, car un intérêt du secteur public subsiste toujours au sein de ces entreprises. En tant qu’actionnaire et membre des conseils d’administration, il est important pour nous de savoir si l’État aura une influence bénéfique ou préjudiciable sur l’entreprise. La gouvernance est également très importante d’un point de vue réglementaire. Si une entreprise ne publie pas ses résultats, elle doit payer une amende. Or, ce n’est pas toujours le cas en Afrique, a expliqué Godfrey Mwanza.

Bien que la CEMAC présente un réservoir prometteur d’entrées en bourse (IPO), les gestionnaires du réseau ont déclaré qu’ils n’allaient pas s’empresser d’ouvrir des comptes dans la région et qu’ils suivraient les étapes nécessaires de gestion des risques.

Il est important sur des marchés tels que la CEMAC de sélectionner le bon prestataire. Étant donné le calendrier des IPO, cette question est cruciale. Nous tenons également à nous assurer que notre trésorerie et nos titres sont au même endroit et que le prestataire local a accès à une vaste réserve de liquidités dans la devise locale pour soumettre notre demande », a commenté Craig Hind, responsable de la gestion du réseau chez Absa Limited.

Craig Hind a ajouté que les restrictions de déplacement actuelles liées à la COVID-19 compliquaient les visites des équipes du réseau sur ces marchés. S’il n’est pas possible de rencontrer physiquement les dépositaires, les infrastructures de marché et les autorités de régulation de la région CEMAC, le processus de due diligence risque d’être rallongé.

Russie : Le percepteur qui venait du froid

Les révisions apportées aux conventions en vue d’éviter les doubles impositions de la Russie devraient avoir une incidence significative sur les investisseurs étrangers sur le marché.  En 2020, le ministre des Finances russe a informé ses homologues chypriote et maltais que la retenue à la source sur les intérêts et les dividendes allait être relevée à 15 %, sans doute dès 2021. Vladimir Vinogradov, responsable des questions fiscales chez Rosbank, a estimé qu’il s’agissait d’un relèvement substantiel, dans la mesure où les dividendes étaient généralement imposés à 5 % et les intérêts étaient exonérés de prélèvements. Les responsables de l’administration fiscale russe devraient renégocier les conventions avec d’autres marchés au-delà de Chypre et Malte, notamment le Royaume-Uni, l’Autriche, l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Hongrie, Singapour et Hong Kong. Vladimir Vinogradov a toutefois estimé que les conventions avec certaines juridictions, essentiellement la France, l’Allemagne, l’Italie et la Chine, ne seraient sans doute pas modifiées.

Étant donné l’évolution des traités avec Chypre et Malte, les taux d’imposition réduits ne pourront rester à la disposition que d’un nombre limité d’investisseurs, comme des entreprises publiques, des compagnies d’assurance, des fonds de pension, des États et des banques centrales », a déclaré Maria Egorova, partenaire associée, Global Financial Services, département fiscal et juridique, EY.

Anatoly Matyukhin, responsable adjoint, SGSS Russie, a expliqué que la banque mettait tout en œuvre pour soutenir les intérêts de ses clients concernant les modifications apportées aux conventions. Il a déclaré que SGSS, en tant que dépositaire et agent fiscal local en Russie, faisait des recommandations au gouvernement sur les réformes, afin de garantir leur transparence et d’assurer qu’elles ne porteraient pas préjudice aux investisseurs étrangers. Il a ajouté que la banque communiquait régulièrement avec les clients et leur fournissait des informations sur l’évolution des règles.

Les réformes en Inde suscitent l’intérêt des investisseurs

L’Inde a toujours été un marché très difficile d’accès pour les investisseurs, en raison de sa complexité réglementaire. Au début des années 90, elle a traversé une période de libéralisation et récemment, des modifications majeures ont été apportées à son processus d’approbation des investisseurs de portefeuille étrangers (Foreign Portfolio Investors, FPI). 

La suppression des critères élargis et la recatégorisation des FPI soit en catégorie 1 ou 2 en fonction d’une approche basée sur le risque a facilité l’obtention d’une licence pour les nouveaux investisseurs » a déclaré Abraham George, responsable des ventes et du développement commercial chez SBI-SG. 

Il a ajouté que le formulaire de candidature commun (Common Application Form, CAF) avait consolidé plusieurs exigences pour l’enregistrement des FPI et fluidifié et accéléré l’obtention de licences.

Nehal Vora, CEO de CDSL, a expliqué que la nouvelle structure accélérée, centralisée et numérisée de la connaissance clientèle (KYC) allait faciliter l’échange de titres locaux pour les investisseurs. En raison de ces changements, les FPI peuvent maintenant nommer un deuxième courtier sans avoir à renouveler l’intégralité du processus de KYC.

La création de GIFT (Gujarat International Finance Tec) City devrait également accroître l’intérêt des investisseurs étrangers pour le marché indien. GIFT City est un centre de services financiers internationaux (IFSC) établi récemment, que les autorités indiennes espèrent voir faire concurrence aux grands centres régionaux comme Singapour et Hong Kong. Nehal Vora a déclaré que GIFT City offrirait un certain nombre d’avantages stratégiques pour les institutions étrangères. Tout d’abord, l’ensemble des opérations de trading et de règlement qui se produisent à GIFT City sont réalisées en dollars US, ce qui élimine tout risque de change. En plus de soutenir le trading d’une gamme plus large de produits d’investissement financier, Nehal Vora a expliqué que le régime réglementaire à GIFT City était libéral, avant d’ajouter que les entreprises qui chercheraient à s’établir au sein de l’IFSC bénéficieraient d’une fiscalité réduite pour une période relative longue.

Bien que le marché indien ait réalisé un certain nombre d’avancées significatives, il reste confronté à des difficultés. En début d’année, le Securities Exchange Board of India (SEBI) a annoncé qu’il envisageait d’opérer une transition d’un cycle de règlement T+2 vers T+1, une proposition qui a suscité une opposition généralisée des FPI. Bien que T+1 soit une perspective attrayante pour les investisseurs locaux, ce cycle de règlement forcerait les FPI à préfinancer leurs opérations, entraînant un risque de règlement accru, a reconnu Stewart Gladstone, Head of Segment & Solutions, Financial Intermediaries & Banks chez SGSS. Nehal Vora a néanmoins estimé que l’autorité de régulation ne rendra pas le T+1 obligatoire pour tous les investisseurs et devrait permettre aux FPI de continuer de régler à T+2 s’ils le préfèrent.

Une nouvelle aube pour les marchés émergents

À l’heure où ils peinent à obtenir des performances satisfaisantes des marchés développés, les investisseurs fondent de plus en plus d’espoirs sur les marchés émergents et frontières. Bien que ces marchés émergents/frontières offrent un certain nombre d’opportunités intéressantes et dynamiques aux investisseurs, ils ne sont pas sans risque. Il est vital que les investisseurs dialoguent avec les principaux prestataires lorsqu’ils constituent des expositions à ces régions