L’impact du Régime Pilote sur les acteurs de marché

13/03/2023

Le Régime Pilote entre en vigueur dans quelques jours, à savoir le jeudi 23 mars.

Pouvez-vous en quelques mots nous rappeler l’objectif de cette nouvelle réglementation ?

C’est une réglementation européenne qui porte sur les infrastructures de marché (plates-formes de négociation) et sur les infrastructures de post-marché (systèmes de règlement/livraison) mais qui permet aussi, fait nouveau, d’autoriser en complément de celles-ci, des infrastructures intégrant à la fois des activités de marché et de post-marché.
L’intention du législateur européen est de revoir la réglementation qui leur est applicable pour qu’elles puissent tirer le maximum de bénéfices de la nouvelle technologie dite des « registres distribués » ( ou DLT pour Distributed Ledger Technology). En tout état de cause, l’objectif est que les nouvelles infrastructures basées sur cette nouvelle technologie ne soient pas pénalisées par la réglementation existante, compte tenu de la volonté de neutralité technologique de la réglementation.

Comme le législateur souhaite permettre aux acteurs de marché d’expérimenter cette technologie, le Régime Pilote se présente sous la forme d’un cadre réglementaire temporaire basé sur une liste prédéfinie d’exemptions potentielles aux réglementations existantes, essentiellement MIF1 et CSDR2. La durée prévue des exemptions est a priori de 3 ans, mais pourrait éventuellement être prolongée de 3 ans supplémentaires. A l’issue de cette période d’expérimentation, le législateur décidera soit de pérenniser, soit de modifier, soit d’abroger ces dispositions temporaires.

Qui sont les principaux acteurs de marché concernés par ce Régime Pilote ?

Les acteurs concernés au premier chef par le Régime Pilote sont les infrastructures de marché et/ou de post-marché souhaitant bénéficier des dérogations prévues. Elles devront en effet identifier puis justifier vis-à-vis du régulateur les exemptions qui leur paraissent nécessaires pour adapter et optimiser leurs traitements avec la DLT. Mais ces nouvelles infrastructures DLT ne pourront bien évidemment fonctionner que si d’autres acteurs sollicitent leurs services : cela supposera en effet que d’une part, des émetteurs décident d’émettre des security tokens3 et que d’autre part, des investisseurs souhaitent investir dans cette catégorie d’actifs numériques.

La communication entre ces différents acteurs apparaît donc fondamentale pour le succès du Régime Pilote. Les infrastructures ont en effet besoin de connaître les attentes des émetteurs et des investisseurs et réciproquement les émetteurs et les investisseurs ont besoin de connaître les fonctionnalités et/ou bénéfices supplémentaires que peuvent leur fournir ces nouvelles infrastructures grâce à la DLT. Dans la mesure où des investissements devraient être réalisés chez les uns et les autres, il est important par ailleurs que ces différents acteurs puissent en interne justifier ces investissements et puissent notamment estimer le retour sur investissement pendant et après le Régime Pilote. Il y a actuellement des réflexions au niveau de certaines instances de Place et associations professionnelles, lesquelles visent à déterminer comment optimiser ces investissements, par exemple en capitalisant sur tout ou partie des chaînes de valeur actuelles, lorsque cela paraît possible.


Qu’en est-il de SGSS, en particulier dans son rôle de teneur de compte conservateur ?

En tant que prestataire de services aux investisseurs mais aussi de services aux émetteurs, nous sommes clairement en première ligne dans cette révolution numérique. Pour nous, les nouvelles infrastructures DLT apparaissent avant tout comme des nouvelles plates-formes techniques d’émission, de circulation et de dépôt pour les instruments financiers, plates-formes certes basées sur une technologie différente mais qui ne sont pas censées changer a priori la nature juridique et économique des instruments financiers. En revanche, on s’attend à ce que la DLT puisse fortement simplifier la tenue et le suivi, d’une part des comptes émission pour l’émetteur, et d’autre part des comptes de conservation pour les investisseurs. Cela dit, cette optimisation ne s’obtiendra pas en remplaçant simplement les comptes titres actuels par des registres distribués mais devrait nécessiter de repenser profondément certains éléments de nos modèles opérationnels. C’est en effet uniquement à cette condition que l’on pense pouvoir obtenir des gains significatifs avec cette nouvelle technologie. Le groupe Société Générale y travaille activement, non seulement en interne mais également en collaboration avec les différentes associations de Place afin que le Régime Pilote soit un succès pour nos clients et nous, en France comme en Europe.  

Alain Rocher, Directeur du Knowledge Management, Stratégie et Infrastructures de marché – Société Générale Securities Services


1MIF : directive sur les marchés d’instruments financiers
2CSDR : règlement sur les dépositaires centraux de titres
3Security tokens : titres financiers enregistrés dans des registres distribués