Une transition juste — garantir le succès de la transition environnementale

25/03/2021

2021 sera une année charnière pour l’accélération des efforts mondiaux de lutte contre le changement climatique. Bien que les émissions mondiales de CO2 aient diminué de 7 % en 2020 en raison des effets du confinement lié à la Covid-19 à travers le monde, une action plus forte sera nécessaire lors de la prochaine COP26 pour contenir les hausses de température bien en deçà de 2 °C et aux environs de 1,5 °C.

Mais les enjeux ne se limitent pas au changement climatique. Les décideurs politiques de la COP26 ne doivent pas en oublier le reste, car il y a d’autres éléments cruciaux à prendre en compte. L’un des principaux facteurs est la dimension sociale du changement climatique : à la fois les conséquences sociales du changement climatique sur les sociétés du monde entier, mais aussi celles résultant des politiques mises en œuvre pour le combattre. La transition vers des modèles de production et de consommation plus durables ne sera réussie que si elle est rendue socialement acceptable. Les événements récents l’ont démontré à maintes reprises, du rejet de la hausse de la taxe carbone en France, aux suppressions d’emplois dans certains secteurs d’énergie fossile qui ne sont pas directement compensées par des emplois « verts ». La crise actuelle de la Covid-19, qui se poursuit, et dont les conséquences socio-économiques restent à observer et à comprendre, ne fera qu’aggraver ce problème.

Qu’est-ce qu’une « transition juste » ? C’est une transition dans le cadre de laquelle les impacts sociaux négatifs, tels que les pertes d’emplois, sont réduits au maximum, tandis que les impacts sociaux positifs sont maximisés. Certes, le concept n’est pas totalement nouveau : son origine remonte aux années 1970 aux États-Unis, lorsque les syndicats se sont battus pour les travailleurs dont les moyens de subsistance étaient menacés par de nouvelles réglementations environnementales. Depuis, elle a pris différentes formes. Dans les négociations internationales sur le climat, par exemple, certains États ou régions ont appelé à une « juste » contribution à la lutte contre le changement climatique, tenant compte du fait que les pays développés sont en grande partie responsables des niveaux élevés de pollution observés depuis la révolution industrielle. L’Accord de Paris de 2015 prévoit notamment des actions qui prennent en compte « les impératifs d’une transition juste pour la population active et la création d’emplois décents et de qualité ». Enfin, la déclaration de Silésie de 2018 a appelé à porter une attention particulière aux régions dépendantes du charbon. Le sujet s’étend de plus en plus des syndicats et des négociations internationales à la vie démocratique au quotidien. D’ailleurs, en France, le gouvernement a lancé une Convention citoyenne pour le climat, invitant des citoyens de tous horizons à réfléchir sur une nouvelle génération de politiques climatiques.

Si le concept existe depuis un demi-siècle, en quoi est-il différent cette fois-ci ? Premièrement, la crise climatique est aujourd’hui aggravée par une crise sociale : les taux de pauvreté et d’inégalité ont augmenté et pourraient encore progresser, car les niveaux d’endettement risquent de restreindre l’aide aux personnes défavorisées et les politiques de redistribution. Deuxièmement, six ans après l’Accord de Paris, il est clair que si nous voulons tenir les promesses climatiques ambitieuses qui ont été faites, les paroles devront laisser place aux actes, ce qui pourrait se traduire par des répercussions sociales plus importantes que jamais. D’autant plus que plus nous attendons pour agir de manière décisive, plus nous courons le risque d’un choc brutal décrit par Vivid Economics et les Principes pour l’investissement responsable. Cela étant dit, la crise du coronavirus offre également une formidable opportunité de « mieux reconstruire », en intégrant la dimension sociale dans les nouvelles politiques durables.

Quelle est la prochaine étape ? Les nombreux débats autour de la « transition juste » témoignent de sa complexité. En effet, une telle transition a des répercussions sur l’ensemble des secteurs, des pays et des groupes sociaux. On peut l’examiner à travers quatre axes : les travailleurs, les consommateurs, les communautés locales et la société. Tout d’abord, une transition juste doit veiller à ce que les travailleurs des secteurs en restructuration puissent trouver de nouveaux emplois dans des secteurs durables et/ou qu’ils disposent d’une protection sociale adéquate. Les biens et services doivent aussi être alignés sur les objectifs de l’Accord de Paris et accessibles à tous. Les communautés locales seront touchées à des degrés divers, de sorte que le partage des avantages et des coûts sera crucial. La transition juste doit veiller à ce que chaque partie prenante joue pleinement son rôle par le biais d’un dialogue constructif afin de coordonner les actions.

Mais cela ne doit pas empêcher les décideurs politiques, ainsi que le secteur privé, d’œuvrer pour une transition juste. En tant qu’établissement financier, nous devons actionner tous les leviers qui nous permettront d’orienter les capitaux vers une transition juste en vue d’atteindre cet objectif. Cela implique de travailler sur un langage commun et une définition unique de la transition juste, d’élaborer des méthodologies et des cadres d’investissement, d’améliorer ou de collecter de nouveaux points de données et d’inventer de nouveaux instruments financiers.

La feuille de route est claire, alors c’est parti !

JEAN-JACQUES BARBÉRIS
Directeur du pôle Clients Institutionnels et Corporate
Amundi