Le renouveau de la gestion active

20/11/2019

La gestion active évolue et pourrait être sur le point de connaître une renaissance à mesure que nous passons à la phase suivante du cycle.

Les stratégies d’investissement passives ont connu une croissance phénoménale ces dix dernières années, grâce à l’excellente performance du marché et aux frais de plus en plus compétitifs. Aujourd’hui, elles représentent près de 45 % de l’allocation d’actifs des investisseurs aux États-Unis1. En revanche, selon SPIVA (S&P Indices Versus Active), seule une poignée de gestionnaires actifs ont surperformé (après déduction des frais) ces dix dernières années. Toutefois, les tendances de performance des stratégies actives face aux passives ont toujours été cycliques. À titre d’exemple, la gestion active a dégagé une solide performance par rapport aux stratégies passives entre 2000 et 2009. Un vent de renouveau pourrait souffler sur la gestion active, que nous estimons en pleine évolution, à l’heure où nous passons à une nouvelle phase du cycle. 

Depuis la crise financière mondiale, les conditions de marché ont été extrêmement favorables aux stratégies passives, les politiques accommodantes des banques centrales ayant contribué à une reprise forte et prolongée des actifs risqués, qui s’est traduite par un découplage entre le prix des actifs et les fondamentaux. Nous nous sommes retrouvés dans un environnement où les rendements attirent les flux et les flux stimulent les rendements. En d’autres termes, le momentum a constitué le principal moteur de la performance du marché. Ce contexte a été particulièrement bénéfique aux stratégies passives pondérées par la capitalisation boursière qui, par nature, optimisent l’exposition aux valeurs les plus performantes par le passé. Dans un environnement de taux bas et de valorisations élevées des actifs traditionnels, les risques baissiers s’accentuent. Les stratégies passives, qui ne font aucune provision pour la répartition des risques, sont plus sensibles aux fortes corrections dans les positions surévaluées et surpeuplées.Les gérants actifs, axés sur les fondamentaux et capables de gérer le risque de manière dynamique, sont beaucoup mieux placés pour se prémunir contre les pertes et dégager des rendements dans des marchés volatils. En effet, lorsque la phase d’appétit pour le risque a montré les premiers signes d’essoufflement en 2018, le nombre de gérants actifs surperformant leur indice de référence après déduction des frais a grimpé. 

La proposition de valeur de la gestion active 

La proposition de valeur de la gestion passive est très simple, son objectif étant de répliquer la performance d’un indice. La proposition de valeur de la gestion active est autrement plus complexe. Premièrement, elle vise à dégager une surperformance par rapport à un indice. Mais elle ne peut être réduite à ce simple objectif. En effet, la gestion active permet de gérer activement et plus efficacement le risque face à un indice, en meilleure adéquation avec l’appétit pour le risque, les objectifs et les contraintes des investisseurs. Toutefois, l’atteinte de ces objectifs est moins prévisible, car elle dépend en grande partie des compétences et des processus des gérants. 

Un nouveau style de gestion active

La gestion active évolue, en partie grâce à la progression de l’investissement factoriel et des ETF (« Exchange Traded Funds »), qui ont permis aux investisseurs d’accéder à des segments de marché ou classes d’actifs spécifiques via un seul titre. Par conséquent, la demande a migré d’une gestion active bottom up à top down, les stratégies passives servant de composantes pour obtenir les expositions souhaitées. L’ère de la gestion multi-actifs équilibrée passive touche à sa fin, car les investisseurs reconnaissent de plus en plus la valeur d’une approche dynamique capable d’ajuster l’allocation du portefeuille en fonction des conditions de marché. Nous assistons également à une redéfinition progressive du rôle des classes d’actifs, à mesure que les gérants actifs trouvent d’autres moyens de répliquer le profil rendement/risque historique des actifs traditionnels. Tandis que les obligations offrent des rendements et un potentiel de couverture nettement inférieurs que par le passé, le besoin de nouvelles sources de rendement et de diversification favorise le développement de stratégies innovantes ciblant des primes de risque alternatives. En outre, les investisseurs se tournent de plus en plus vers le private equity au détriment des valeurs cotées afin d’accroître leur exposition à l’économie, étant donné que le marché boursier continue de se contracter et que les entreprises restent privées plus longtemps. Enfin, la demande de stratégies actives plus concentrées assorties de contraintes de capacité augmente, car elles sont perçues comme capables de délivrer des rendements idiosyncrasiques plus solides.

Nouvelles technologies, nouvelles opportunités

Dans le domaine de la gestion d’actifs, il faut non seulement faire preuve d’habileté, mais également d’une habileté qui sorte du lot. Pour les gérants actifs, l’adoption de nouvelles technologies sera l’un des moyens de damer le pion aux gérants passifs. L’apprentissage machine et l’intelligence artificielle renferment un immense potentiel pour appuyer les décisions d’investissement des gestionnaires d’actifs et procurer aux investisseurs de meilleurs résultats, surtout s’ils s’appuient sur l’expérience humaine. L’apprentissage machine est indissociable du big data, car pour apprendre, les machines doivent engloutir des masses de données. Selon la loi fondamentale de la gestion active de Grinold, la réalisation de rendements corrigés du risque significatifs repose sur trois dimensions : le talent, le nombre de décisions d’investissement indépendantes prises et la transposition de ces connaissances dans la mise en œuvre du portefeuille. Si l’alpha est généré grâce à une exploitation habile de l’information, la croissance considérable du volume de données disponibles offre aux gérants actifs l’opportunité de transformer leurs recherches en nouvelles sources de rendement. 

La gestion active a un rôle sociétal à jouer

Avec la tendance à long terme vers un capitalisme plus résolu, on reconnaît de plus en plus que les gestionnaires d’actifs jouent un rôle croissant dans la société grâce aux investissements qu’ils réalisent. C’est particulièrement vrai pour les gestionnaires actifs, qui peuvent allouer le capital de manière responsable pour financer une croissance durable. En outre, bien que les gérants passifs aient contribué à réduire le coût de l’investissement, les gérants actifs, à travers la recherche et la détermination des prix, sont indispensables pour déterminer la juste valeur des investissements. 

La nécessité, mère de créativité

La croissance exponentielle du nombre d’acteurs du marché, y compris les stratégies algorithmiques, a réduit la réserve d’alpha disponible : une certaine consolidation se dessine et seuls ceux en mesure de démontrer une réelle valeur ajoutée prospéreront. 

 

L’essor de l’investissement passif a été source de difficultés, mais également d’opportunités pour les gérants actifs. Les conditions de marché devraient davantage favoriser ces derniers alors que nous entrons dans une nouvelle phase du cycle qui donne de nouveau la priorité aux fondamentaux et à la gestion du risque. Néanmoins, les gestionnaires actifs devront impérativement s’adapter aux évolutions et aux besoins fluctuants des investisseurs afin d’obtenir des résultats plus durables et reproductibles dans l’avenir. 

 

(1) Bank of America Merrill Lynch - www.cnbc.com/2019/03/19/ passive-investing-now-controls-nearly-half-the-us-stock-market.html 

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