Le private equity sort du confinement en bonne posture

30/09/2020

Après avoir devancé la quasi-totalité des classes d'actifs l’an dernier, le private equity semblait voué à connaître une nouvelle année record... jusqu’à ce que la pandémie de Covid-19 vienne tout chambouler. Dirk Holz, Directeur du développement produit, actifs privés, chez Société Générale Securities Services, estime toutefois que les perspectives du secteur restent solides à moyen terme.

Le private equity a devancé les autres classes d'actifs ces dernières années et devrait continuer d’enregistrer des performances exceptionnelles. En quoi le Covid-19 a-t-il influé sur les perspectives de rachat d'entreprises par les fonds de private equity et quels seront, selon vous, les principaux moteurs de croissance au cours des cinq ans à venir ?

Dirk Holz. – « Le secteur des actifs alternatifs a connu une très forte croissance au cours des années qui ont précédé la pandémie de Covid-19, avec un encours sous gestion aux alentours de 10 000 milliards de dollars. Le virus a eu un impact considérable sur le marché du private equity depuis le 2e trimestre de cette année et les volumes de transaction ont connu un ralentissement généralisé durant la période de confinement. Ce ralentissement s’est poursuivi cet été, mais nous avons observé un redressement de l’activité ces derniers mois. Une poignée de gestionnaires préparent actuellement une série d’appels de fonds, ce qui signifie qu’ils commencent à cibler des investissements. Nous commençons également à noter que certains gérants préparent des fonds millésimés pour la fin de l'année et s’apprêtent à lancer de nouveaux fonds en 2021.

Côté investissement, le nombre de transactions a considérablement diminué ces derniers mois, bien que les flux d’investissement soient restés relativement stables. Un ensemble de projets intéressants commence toutefois à se développer, avec des opportunités manifestes à des niveaux de prix attrayants, y compris dans des segments traditionnels comme l’industrie manufacturière et des secteurs à forte croissance comme les biotechnologies. Si ces projets se concrétisent, l’année 2020 pourrait se terminer en beauté.

Quel impact cette évolution du marché aura-t-elle sur le Luxembourg et quel est l’intérêt de ce pays pour les investisseurs ?

« Le Luxembourg s’est affirmé comme un acteur mondial de premier plan dans le secteur des actifs privés. Près de 60 % des gérants mondiaux exercent aujourd'hui des activités sous une forme ou une autre via le Luxembourg. Cela tient en grande partie au fait que le Grand-Duché a développé un cadre réglementaire relativement rapidement après l’entrée en vigueur de la directive européenne sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (AIFM). Le Luxembourg offre également aux clients une vaste panoplie d’entités juridiques dans le segment du private equity, si bien qu’il est facile d’établir des véhicules d’investissement dans un laps de temps relativement court et de manière efficiente pour les investisseurs institutionnels internationaux.

Le recrutement reste également difficile dans le secteur financier, en particulier pour les fonds. Pouvez-vous nous en dire plus sur les compétences actuellement recherchées et sur la manière dont vous projetez d’attirer de nouveaux talents ?

« Le private equity devrait continuer de croître à un rythme accéléré, ce qui aura un impact sur le recrutement. Nos produits et services restent très personnalisés, si bien que des ressources supplémentaires sont nécessaires pour développer l'activité. Nous rencontrons en particulier un manque de personnel expérimenté dans les domaines de l’administration de fonds, de la gestion du capital et des activités de dépositaire.

Les prestataires de services se livrent une rude concurrence dans le recrutement de talents. De par son statut de banque internationale, l’un des principaux atouts de Société Générale est sa capacité à opérer dans de multiples juridictions et à offrir une mobilité à l’échelle mondiale. La mobilité est également possible entre lignes de métier, non seulement dans les services aux fonds mais également dans les activités de financement et d’autres divisions du Groupe, ce qui ouvre des opportunités de développement intéressantes.

Comment les consultants et les prestataires de services peuvent-ils soutenir la croissance du marché du private equity ?

« Les prestataires de services spécialisés dans la réglementation, les services d’administration, les activités de dépositaire, la conservation, la comptabilité et la gestion du capital sont très recherchés. La plupart des acteurs sur le marché du private equity proposent ces services. Ce qui nous distingue de nos concurrents, c'est notre capacité à proposer des financements, y compris des prêts relais et le financement d’investissements. De nombreux clients avec lesquels nous échangeons veulent également des comptes bancaires pour déposer leurs liquidités. Les prestataires peinent de plus en plus à offrir ces services mais chez Société Générale, nous sommes en mesure de proposer une offre complète.

Pourquoi les données et la transformation numérique sont-elles importantes sur le marché du private equity ?

« La technologie provoque une transformation accélérée du secteur financier, et le private equity n’y échappe pas. Nous bénéficions d’un avantage concurrentiel dans le domaine des services numériques. L'envergure de notre groupe nous permet de tester différentes technologies de rupture et de les adopter. La numérisation des données est un domaine que nous devons continuer d'explorer car elle peut nous aider à améliorer la manière dont nous comparons les fonds et à accroître la transparence du marché. Un changement se profile indéniablement à l’horizon.

Les banques privées et les « family offices » s’intéressent de plus en plus au private equity. À quoi tient cette tendance et les investisseurs particuliers peuvent-ils eux aussi s’exposer aux actifs privés ?

« La plupart des fonds de private equity sont financés par des investisseurs institutionnels. Selon une étude de Preqin sur les tendances du private equity, les engagements des investisseurs en private equity ont atteint 595 milliards de dollars en 2019. Les montants levés par les fonds de private equity ont ainsi dépassé le seuil des 500 milliards de dollars pour la troisième année d'affilée. Cette même étude montre que 41 % des investisseurs prévoyaient d'engager davantage de capitaux dans des fonds de private equity dans les 12 mois à venir en novembre 2019, soit 10 % de plus que l’année précédente. Cette demande soutenue de la part des investisseurs institutionnels, des banques privées et des « family offices » est alimentée par la surperformance globale des actifs privés par rapport aux places boursières. En conséquence, des réserves de capitaux considérables sont en attente d’être investies.

Les investisseurs particuliers ont ainsi peu d’opportunités d’entrer sur le marché. Obtenir un accès au private equity reste difficile pour bon nombre d’investisseurs particuliers et la distribution de nombreux fonds demeure limitée aux seuls investisseurs institutionnels. Les fonds ouverts aux investisseurs particuliers ont reçu un accueil mitigé. Cela tient au fait que le private equity reste une classe d’actifs très peu liquide, et les sorties dans certains cas peuvent prendre des années. La transformation numérique peut améliorer la transparence et offrir un meilleur accès aux investisseurs particuliers, mais il y a encore du chemin à parcourir. Les régulateurs devront adapter les règles pour ouvrir plus largement les fonds de placement alternatifs aux investisseurs particuliers. »

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Article publié dans PAPERJAM le 22/09/2020.