Les Organismes de Placement Collectif en Immobilier (OPCI) : fonctionnement, atouts et perspectives sur le marché marocain

02/03/2021

Le Maroc a officiellement lancé ses fonds d’investissement immobilier, les Organismes de Placement Collectif en Immobilier (OPCI), le 11 juin 2019, à l’occasion d’une conférence organisée par le Ministère de l’Economie et des Finances.

Omar Senhaji, Directeur de Société Générale Securities Services au Maroc (SGSS Maroc), nous rappelle tout d’abord les principales caractéristiques des OPCI au Maroc et de leur fonctionnement : « l’OPCI marocain est conforme aux standards internationaux. En effet, la gestion est assurée par une société de gestion agréée, l’OPCI est lui-même réglementé et contrôlé par un dépositaire et un commissaire aux comptes indépendants. La valorisation des actifs fait l’objet d’une attention toute particulière avec 2 évaluateurs certifiés indépendants effectuant et contrôlant la valorisation de façon collégiale. »

D’après Nezha Hayat, Présidente de l'Autorité Marocaine du Marché des Capitaux (AMMC),

l'introduction de ce nouvel instrument s'inscrit dans le cadre des actions entreprises par les pouvoirs publics en vue de mobiliser l'épargne longue et de l'orienter vers le financement de l'investissement.

Mais qu’apporte ce nouveau véhicule d’investissement au marché financier marocain ?

Nous avons posé la question à Reda Tamsamani, Directeur de Nema Capital, société de gestion d’OPCI co-créée par Société Générale Maroc et Yamed Capital : « Grâce aux OPCI, les investisseurs ont désormais accès aux avantages du marché immobilier marocain à travers l'acquisition de parts d'un organisme dont le sous-jacent est majoritairement constitué d’actifs immobiliers, tout en limitant les contraintes liées à la taille et à la concentration de l'investissement et les risques de liquidité afférents ».

« Les OPCI représentent également une aubaine pour les entreprises propriétaires de leurs murs : ils permettent notamment d'externaliser leurs actifs immobiliers destinés à l’exploitation, de confier leur gestion à des professionnels et d'alléger le bilan tout en profitant d’un cadre réglementaire strict qui offre une protection élevée aux investisseurs ».

« Enfin, les OPCI sont un moyen très intéressant pour les pouvoirs publics d’étoffer leur offre d’instruments financiers au service des investisseurs dont l’appétence pour l’immobilier locatif est de plus en plus élevée. En effet, l’immobilier est en plein essor au Maroc. A Casablanca, la capitale économique, l’offre ne cesse d’augmenter, quelle que soit la classe d’actif, à des niveaux de rendement très attrayants compris entre 6% et 10%, d’après nos observations ».

Un an et demi après son lancement, cette initiative audacieuse, une première en Afrique du Nord, a-t-elle tenu toutes ses promesses et quelles sont les tendances et perspectives de ces nouveaux véhicules d’investissement collectifs ?

Pour y répondre, nous avons interrogé les professionnels de la place de Casablanca.

Farid Soltani, Directeur de l’Asset Servicing au sein du cabinet de conseil Lunalogic, semble convaincu du potentiel des OPCI et souligne l’importance stratégique de ces nouveaux fonds au Maroc : « ces véhicules ouvrent de nouvelles possibilités aux investisseurs institutionnels marocains en combinant rendement, liquidité et avantage fiscal. Pour les propriétaires-utilisateurs des immeubles, les OPCI permettent également de les refinancer, qu’il s’agisse de sièges sociaux ou de murs hôteliers par exemple. Nous voyons principalement des OPCI montés en club-deals sur des actifs existants, l’exonération fiscale et de droits d’enregistrement des apports en nature aux OPCI étant fortement incitatifs ».

Enthousiasme partagé par Reda Tamsamani : « Cette mobilisation de nouveaux capitaux pour les injecter dans l’immobilier va créer une nouvelle dynamique sur le marché immobilier. En effet, les OPCI constituent une excellente opportunité d’écouler les stocks d’invendus de plateaux de bureaux ou autres programmes immobiliers imposants et de diversifier l’offre adressée aux professionnels (centres commerciaux, hôtel, parcs logistiques, bureaux…). Ils présentent également l’occasion d’améliorer la transparence des transactions immobilières qui seront désormais effectuées par des véhicules réglementés et contrôlés par les autorités compétentes. Les acteurs présents sur ce marché seront ainsi contraints de se conformer aux normes en vigueur et aux exigences des investisseurs. »

Néanmoins, M. Soltani souligne que les OPCI ont encore des leviers de croissance inexploités : « pour augmenter leurs encours, les OPCI marocains ont besoin de s’internationaliser. Cela passe par des parts en devises internationales et une diversification géographique des investissements en dehors du Maroc. Pour l’instant, l’essentiel des OPCI sont à vocation exclusivement domestique ; il reste encore un long chemin à parcourir ».

L’international, un enjeu que beaucoup d’acteurs semblent partager.

« Les récents agréments de fonds OPCI délivrés par l’AMMC ouvrent la voie à un nouveau véhicule de placement qui s’est montré très attractif dans d’autres marchés » a déclaré Walid Riahi, Analyste Senior – Expertise, Etudes & Recherches chez JLL Maroc. Pour lui, « le Maroc devient une cible stratégique pour les investisseurs internationaux qui cherchent à diversifier leurs portefeuilles d’investissement immobilier ».

Attirer de nouveaux investisseurs internationaux, cela passe aussi par une maîtrise des risques irréprochable, et le dépositaire des OPCI joue un rôle prépondérant dans le contrôle de la régularité des investissements et la transparence de ces véhicules. M. Senhaji nous explique comment SGSS s’est organisé pour intégrer la classe d’actif immobilière dans son activité et apporter la sécurité des actifs requise : « Les OPCI ont constitué un projet phare pour nos équipes en 2020 et qui a nécessité le déploiement d’un nouveau module de notre applicatif dépositaire tout en assurant une séparation stricte avec nos opérations sur fonds OPCVM*. Nous avons également élaboré de nouvelles procédures opérationnelles et formé nos équipes dédiées à ces nouveaux véhicules d’investissement. Par ailleurs, notre dispositif de contrôle interne a été revu, en collaboration avec nos collègues de gestion des risques, pour y intégrer cette nouvelle classe d’actifs ».

*OPCVM : Organismes de placement collectif en valeurs mobilières