Les network managers s’orientent vers le vert et le numérique

06/09/2023

À mesure que se met en place l’émergence d’une classe d’actifs basés sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et de nouvelles classes d’actifs numériques, les network managers doivent changer leur façon de travailler. À l’occasion du Network Forum (TNF) qui s'est tenu à Athènes en juin, Fouad Massabni, responsable de l’offre ESG chez Société Générale Securities Services (SGSS) et Laurent Marochini, responsable de l’innovation chez SGSS, ont expliqué comment les network managers évoluent pour faire face à ces nouvelles dynamiques d’activité.

Les network managers font des vagues avec l’ESG

Poussées par la demande croissante des clients et l’introduction de nouvelles réglementations, telles que le règlement européen Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) et la directive Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD), les institutions financières mettent de plus en plus l’accent sur les questions ESG.

Les network managers ne font pas exception.

Bien que les critères ESG ne relèvent pas traditionnellement des compétences des network managers, nombre d’entre eux commencent à examiner plus en détail les politiques et procédures de développement durable de leurs banques correspondantes.

Fouad Massabni note que certains network managers intègrent des questions plus approfondies et plus granulaires sur les critères ESG dans leurs appels d’offres dans le cadre du processus de sélection des banques correspondantes. Certains appels d’offres peuvent exiger des banques correspondantes qu'elles fournissent des preuves tangibles ou statistiques décrivant comment elles favorisent la diversité sur le lieu de travail, ou empêchent l’apparition d’écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.

Les critères ESG sont également mentionnés brièvement dans le questionnaire standard de due diligence (DDQ) de l’Association for Financial Markets in Europe (AFME). Selon Fouad Massabni, les questions ESG dans le questionnaire DDQ de l’AFME sont pour la plupart de haut niveau et ne s’adressent pas spécifiquement aux banques correspondantes, mais concernent plutôt la manière dont les critères ESG sont appliqués à l’échelle du groupe.

Par exemple, la section 3.9 dans le DDQ de l’AFME contient un certain nombre de questions traitant des critères ESG, notamment sur la question de savoir si les considérations ESG jouent un rôle dans le processus d’onboarding des clients et les évaluations KYC. En outre, le questionnaire DDQ demande aux banques si elles ont, avec leurs fournisseurs tiers, des procédures spécifiques de due diligence ou d’exclusion lors de l’acceptation d’activités dans des secteurs spécifiques (c’est-à-dire le charbon, le pétrole, le tabac, etc.).

« Les conservateurs mondiaux ne veulent pas subir l’atteinte à la réputation d’une banque correspondante, qui, au niveau du groupe, pourrait présenter des critères ESG médiocres. Par exemple, certains conservateurs mondiaux pourraient réfléchir à deux fois avant de nommer une banque correspondante si sa maison mère est fortement impliquée dans le financement d’armes controversées », déclare Fouad Massabni.

Cependant, l’ESG n’est pas sans poser certains problèmes pour un network manager.

Tout d’abord, il y a un débat persistant sur la question de savoir si les network managers possèdent suffisamment de connaissances en la matière pour interroger les banques correspondantes sur l’ESG. « Tout le monde, y compris les network managers, doit se perfectionner au fur et à mesure que le marché change et évolue. Néanmoins, de nombreux network managers s’appuient sur des experts ESG au niveau de l’entreprise pour obtenir de l’aide », indique Fouad Massabni.

La réglementation constitue un problème plus sérieux lorsqu’il est question d’ESG. Fouad Massabni explique que plusieurs régulateurs mondiaux mettent actuellement en place des règles en matière d’ESG et de durabilité, ce qui crée de la complexité pour le secteur. Ces règles étant rarement alignées les unes sur les autres, cela signifie que les institutions financières se trouvent souvent obligées de se conformer à des réglementations différentes sur plusieurs marchés.

Un autre problème, continue Fouad Massabni, est l’absence de données ESG standardisées. Aujourd’hui, les institutions financières sont submergées par différentes normes en matière de données ESG, imposées par un ensemble d’associations sectorielles, de groupes de pression et d’agences de notation. Sans norme de données ESG commune, les institutions financières utilisent leurs propres méthodologies sur mesure pour évaluer les critères ESG, ce qui se traduit par des incohérences.

Si les network managers comprennent la composante « G » de l’ESG et s’approprient lentement l’élément « S », Fouad Massabni déclare qu’il reste encore beaucoup à faire sur le « E ». Il indique également que les entreprises devraient se concentrer davantage sur le risque lié à la biodiversité, compte tenu de la relation étroite entre le PIB mondial et l’environnement naturel.

Bien que les network managers ne soient en aucun cas des spécialistes de l’ESG, il s'agit d'une thématique avec laquelle ils doivent rapidement se familiariser.

Comment les network managers doivent s’adapter à la montée en puissance des nouveaux actifs numériques

Alors que les investisseurs recherchent de nouvelles sources de rendement, beaucoup commencent à intégrer dans leurs portefeuilles les actifs numériques, y compris les cryptomonnaies.  Bien que l’investissement en cryptomonnaie ait été historiquement orienté vers les particuliers, les institutions, telles que les fonds, commencent également à s’y intéresser. Dans le même temps, les grands investisseurs s’intéressent de plus en plus aux actifs numériques plus réglementés, y compris les security tokens.

Même si le marché des security tokens est beaucoup plus petit que celui des cryptomonnaies, les experts s’attendent à ce qu’il augmente de façon significative au cours des prochaines années. Alors que de plus en plus de clients participent aux marchés d’actifs numériques, les banques doivent développer des solutions pour les accompagner sur l’ensemble de la chaine de valeur, selon Laurent Marochini.

Dans le cas de Société Générale Securities Services, Laurent Marochini déclare que la banque peut désormais agir en tant que teneur de compte, valorisateur et gestionnaire du passif pour les gestionnaires d’actifs réglementés (c’est-à-dire ceux soumis à la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs [AIFMD]) qui négocient des cryptomonnaies. « La plupart des banques n’apportent aucun support aux clients qui souhaitent s’exposer à cette nouvelle classe d’actif, c’est pourquoi nous sommes vraiment une exception à ce niveau », souligne Laurent Marochini.

D’autres fournisseurs évitent les cryptomonnaies et développent des capacités de conservation d’actifs numériques pour les titres numériques réglementés uniquement.

Société Générale dispose d’une forte présence dans le monde des titres numériques réglementés. Laurent Marochini indique que Société Générale - FORGE, filiale totalement intégrée et réglementée du groupe Société Générale dédiée aux titres numériques, accompagne l’émission de titres numériques en utilisant la technologie Blockchain.

Par exemple, Société Générale - FORGE a collaboré avec la Banque Européenne d’Investissement sur une émission obligataire digitale de 100 millions EUR en 2021. Plus récemment, Société Générale Forge a lancé EUR CoinVertible, un stablecoin libellé en euros afin d’apporter une solution cash à la Blockchain

Alors, qu’est-ce que cela signifie pour les network managers ?

De même que les network managers devront examiner les opérations des sous-conservateurs, des banques correspondantes et des infrastructures des marchés financiers (IMF), ils devront commencer à intégrer les prestataires  d’actifs numériques dans leurs évaluations de diligence raisonnable.

Cette évolution vers les actifs numériques devra également se refléter dans le questionnaire DDQ de l’AFME.

« Les prestataires d’actifs numériques doivent encore être évalués du point de vue de la gestion des risques. Les network managers devront faire évoluer leurs compétences, pour modifier leurs procédures de due diligence et appréhender les nouveaux risques », déclare Laurent Marochini.

Il poursuit : « Les network managers doivent demander aux prestataires de services de cryptoactifs quels sont les types de cryptoactifs qu’ils prennent en charge et les protocoles Blockchain qu’ils utilisent. Ils devront revoir les politiques de cybersécurité de leurs prestataires et comprendre le type d’outils cryptographiques qu’ils utilisent. Compte tenu de l’épisode FTX, les network managers voudront voir la preuve que les fournisseurs séparent pleinement les fonds des clients de leur propre fonds et qu’ils sont soumis à une réglementation. Enfin, ils voudront l’assurance que leurs fournisseurs disposent d’un capital suffisant au bilan ».

Malgré le « crypto winter » de 2021-22, l’appétit pour les actifs numériques n’évolue que dans une seule direction. Alors que les prestataires de services d’actifs numériques entrent en lice, les network managers doivent adapter et moderniser leurs approches de diligence raisonnable.

Quelles sont les prochaines étapes pour le réseau ?

Le network management traverse une période de transition dans un contexte de montée en puissance des actifs ESG et numériques. L’agilité et la volonté de s’adapter au changement seront essentielles pour que le rôle des network managers reste pertinent à l’avenir.

Fouad Massabni, Responsable de l'offre ESG, SGSS et Laurent Marochini, Responsable de l'innovation, SGSS Luxembourg

Article paru dans Global Investor en juillet 2023.