Les Assemblées Générales et leurs enjeux

13/11/2020

Richard Roger, Responsable de la ligne Métier des Services aux Emetteurs chez Société Générale Securities Services (SGSS), nous présente son point de vue sur les enjeux actuels de l’organisation des Assemblées Générales.

Le rôle de SGSS dans les réflexions de Place sur la thématique Assemblées Générales (AG) des Actionnaires des sociétés cotées

Fin 2018, L’AFTIm’a demandé de créer et d’animer le Groupe de travail « Experts AG », sous l’égide du Groupe AFTI Emetteurs, en charge des missions suivantes :

  • réaliser en collaboration avec les associations et instances de Place le Guide Méthodologique des AG (publié début 2020) ;
  • définir les modalités de mise en œuvre de certaines recommandations de l’AMF2 en matière d’AG, publiées en 2018 et 2017 dans le cadre des travaux de la Commission Consultative des Epargnants ;
  • identifier comment les évolutions des structures de Place comme Votacess peuvent faciliter la mise en œuvre de la directive européenne Droits des actionnaires, en matière d’AG, pour les Acteurs du Marché (Teneurs de comptes, Centralisateurs, Emetteurs).

En 2019, le groupe de travail a joué un rôle majeur dans la rédaction du Guide Méthodologique, en partant d’une feuille blanche, pour d’une part, décrire de manière précise la préparation et la réalisation des Assemblées Générales de sociétés cotées, à des fins de compréhension et de clarification des process, et pour d’autre part, proposer des pistes d’amélioration.

Les prestations de SGSS en matière d’AG de sociétés cotées

SGSS accompagne ses clients dans la préparation et la réalisation de leurs Assemblées Générales, qui couvrent bien entendu toutes les étapes nécessaires à l’exécution de l’AG : communication des informations aux actionnaires, traitement des votes par correspondance, accueil des actionnaires le jour J, calcul des résultats de votes. SGSS fournit ces prestations avec ses propres équipes et propose une révolution digitale depuis 2018 avec des tablettes de votes tactiles servant à la fois à l’émargement et au vote des actionnaires. SGSS fournit également la prestation de votes à main levée pour les AG de taille plus modeste.
SGSS affiche une part de marché significative et participe à l’organisation de l’Assemblée Générale de près de la moitié des Emetteurs du CAC 40 au 1er Janvier 2020.

L’évolution des AG au cours des vingt dernières années

J’accompagne les AG depuis 20 ans. D’ailleurs, nous pouvons noter que 10 collaborateurs totalisent chacun au sein de nos équipes une participation à plus de 150 Assemblées générales d’actionnaires  dans l’accompagnement de nos Clients. Certaines AG ressemblaient à de véritables shows dans les années 2000. Elles sont désormais souvent très structurées, juridiques, protocolaires, uniformes. L’accueil et le vote s’appuient sur des technologies plus pointues. La sécurité intérieure et extérieure le jour de l’AG prennent désormais une place majeure. Nous devons évoluer pour capter l’attention d’un auditoire désormais « branché Internet » et adepte du mode « zapping ».

Les défis à relever en matière de sécurisation des AG depuis les incidents sur la Place observés en 2018

Restaurer la confiance – décrire le fonctionnement de la chaîne de vote et le rôle des acteurs – harmoniser les pratiques et déceler les difficultés de certains modes opératoires – proposer des axes d’amélioration – devenaient indispensables et c’est tout le sens du Guide Méthodologique et de la concertation permanente entre professionnels. Précisons également que le cadre légal et réglementaire régissant les Assemblées Générales d’Actionnaires ou bien l’activité de teneur de comptes conservateur est assez riche, sans compter les relations contractuelles de prestations de services entre un émetteuret son centralisateur ou entre un investisseur et son teneur de comptes.

Les risques sensibles qui subsistent

Une réflexion sur les inconvénients que représente une Record Date (J-2) (date de référence pour déterminer les positions des actionnaires en droits de vote) aussi proche de l’AG et sur l’opportunité de s’inspirer des modèles étrangers retenant une Record Date plus éloignée de la date de l’AG reste à mon sens indispensable.

Ainsi, lorsqu’une instruction de vote « traverse » une chaîne de plusieurs intermédiaires financiers, le risque existe que chaque maillon de la chaîne temporise ses traitements d’instructions de vote et transmette son dépôt global des votes à son conservateur le plus tard possible afin de limiter par la suite le nombre de mises à jour de positions de droits de vote. Dans cette configuration, le dernier maillon de la chaîne des intermédiaires et le centralisateur peuvent se trouver confrontés au traitement d’un nombre très élevé de lots d’instructions dans les derniers instants préparatoires à l’AG, et devoir ainsi gérer un « goulet d’étranglement » opérationnel, générateur de risques.

Ce phénomène pourrait s’accentuer dans le cadre de la mise en œuvre de la directive européenne SRD II. En effet, le nombre d’instructions de votes devrait augmenter du fait de la conjonction de plusieurs éléments :

  • Identification des actionnaires réels sur les instructions de vote entraînant une granularité désormais plus fine des votes des non-résidents ;
  • Participation encore plus active des sociétés de gestion avec l’obligation de respecter les instructions de vote de leurs clients leur ayant délégué la gestion.
2020 : une année particulière avec les AG à huis-clos

Dans un contexte difficile, nos équipes ont réalisé une belle performance en réussissant à maintenir un dialogue permanent avec les clients Emetteurs pour préparer les AG dans un nouvel environnement réglementaire et en déroulant le mode opératoire à distance, sans cafouillages ou incidents. Nous avons également préparé les aménagements réglementaires en étroite collaboration avec les instances de Place et les associations d’émetteurs.

Les enjeux dans le domaine des AG, avec la mise en œuvre de la nouvelle version de la directive européenne « Droits des actionnaires »

Tous les acteurs de la chaîne de vote (teneur de comptes, centralisateur, dépositaire central de titres, proxy…) doivent réaliser des investissements considérables pour répondre aux nouvelles exigences de la directive européenne et faciliter l’exercice du droit de vote des actionnaires, individuels ou institutionnels. Les standards de messages et les instructions électroniques existent déjà en partie chez les intermédiaires pour traiter les ordres de bourse ou les opérations sur Titres. Dans le domaine des AG, même si les investisseurs institutionnels bénéficiaient de prestations de plus en plus complètes, beaucoup de choses restent à développer.
La mise en œuvre de nouveaux standards de messages, le déploiement de messages électroniques entre intermédiaires, le développement du vote par Internet, l’ouverture du vote pour les particuliers à des valeurs européennes, l’obligation d’informer les actionnaires des AG pour les valeurs de leurs portefeuilles, la confirmation à l’investisseur post – AG du bon traitement des votes… sont autant de défis à relever dans les mois qui viennent pour les émetteurs et les acteurs de la chaîne de vote. Sans compter que le Business model reste assez complexe car en l’état, il n’existe pas de rémunération de la chaîne de vote pour le traitement des votes des actionnaires individuels.

Les nouveaux défis à relever pour les Emetteurs/Centralisateurs pour la campagne 2021 – AG classiques ou virtuelles ?

Ma préférence irait davantage vers des AG hybrides, conjuguant une participation physique d’actionnaires le jour de l’AG avec une participation internet à distance avec d’autres actionnaires. Nous souhaitons renforcer le dialogue avec les actionnaires lors des travaux préparatoires relatifs à l’AG afin de permettre de les identifier et de recenser les candidats au suivi de l’AG par Internet. Ainsi l’Emetteur qui le souhaite pourra organiser des échanges interactifs avec ces actionnaires pendant le déroulement de l’AG. Certains émetteurs souhaitent également organiser du vote à distance en temps réel pendant l’AG. Il conviendra d’examiner si les prestations proposées permettent de couvrir les risques juridiques et opérationnels afin de ne pas courir des risques disproportionnés par rapport aux enjeux.


1 AFTI : Association française des professionnels des titres

2 AMF : Autorité des Marchés Financiers