Implémenter les nouvelles technologies dans la gestion d'actifs

06/12/2018

Après les changements induits par le big data et les interfaces de programmation (Application Programming Interface – API), les consultants et les futurologues prédisent que les prochaines mutations profondes du secteur financier seront le fait de l’intelligence artificielle (IA), de la Blockchain (BC), des Distributed Ledger Technologies (DLT) et de la Robotic Process Automation (RPA). Les gestionnaires d’actifs adoptent différentes attitudes face aux nouvelles technologies. Il y a ceux qui observent, qui essayent de se tenir informés des évolutions, ceux qui testent, qui adoptent une stratégie de produit minimum viable (Minimum Viable Products – MVP) et, enfin, il y a ceux qui agissent et qui intègrent les technologies à leur production. Quels peuvent bien être les obstacles qui empêchent ceux qui observent de se lancer dans une phase de test, et ceux qui testent de passer à la phase de production ?

Prédire l'avenir

Qui s’essaye à prédire l’impact et l’usage des nouvelles technologies risque fort de se tromper. Les futurologues ont régulièrement fait des prédictions qui ne se sont pas avérées(1) : concernant les téléphones, les voitures, les avions, la bombe atomique, les ordinateurs, les voyages dans l’espace ou bien encore l’an 2000. Il y a cent ans, avec l’introduction de l’automatisation des machines-outils, on prédisait déjà la fin du travail non qualifié. Quant aux voitures sans conducteur, sans parler des voitures volantes, elles faisaient déjà la une des journaux dans les années 30.

De nouvelles technologies sont parfois découvertes sans qu’elles aient immédiatement un usage précis. Ainsi le télécopieur a été inventé en 1842, bien avant le téléphone (1876), et il aura fallu attendre plus de cent ans pour que son utilisation se généralise. Plus récemment, il a fallu neuf ans avant de trouver une utilité à la colle légère présente sur les notes adhésives (Post-it).

Des technologies de transformation

Après les changements induits par le big data et les interfaces de programmation (Application Programming Interface – API), les consultants et les futurologues prédisent que les prochaines mutations profondes du secteur financier seront le fait de l’intelligence artificielle (IA), de la Blockchain (BC), des Distributed Ledger Technologies (DLT) et de la Robotic Process Automation (RPA).

Une analyse des changements traditionnelle se décline en trois volets :

  1. les répercussions internes, qui entraînent généralement une réorganisation du travail, une transformation des processus et une réduction des coûts,
  2. les répercussions externes, qui ont une incidence sur les demandes des clients et la largeur de l’offre,
  3. les répercussions sur l’ensemble des acteurs, qui impliquent la mise en place d’une infrastructure commune afin d’améliorer la sécurité globale et l’efficacité du marché.

Les répercussions de la digitalisation

La digitalisation réduit l’écart entre processus internes et externes. Elle permet de mettre en place des processus front-to-back grâce auxquels les clients finaux peuvent directement déclencher la production. Dans le secteur financier, ces processus sont nommés processus automatisés ou straight-through-processing (STP).

Parallèlement, avec l’arrivée d’Internet, des business models radicalement nouveaux, soutenus par des effets de réseau(2), ont fait leur apparition. Ils ont pour caractéristiques d’être ouverts, avec des données ouvertes (OpenStreetMap) et des logiciels ouverts (Linux, mysql), qui permettent aux cabinets de conseil de mettre en avant leur expertise ; gratuits, généralement avec des revenus cachés issus de la publicité (Facebook) ou de l’exploitation des données (Gmail) ; freemium, c’est-à-dire qu’un petit nombre d’utilisateurs voulant bénéficier de services avancés payent pour la majorité des utilisateurs qui utilisent gratuitement les services génériques (jeux en ligne) ; ou collectifs (crowdfunding).

A l’évidence, l’arrivée de la Blockchain associée au Bitcoin pourrait donner naissance à des organisations radicalement nouvelles, reposant sur une relation de confiance sans intermédiaires entre les utilisateurs. On en trouve pour l’instant peu d’applications dans le secteur financier.

Beaucoup moins disruptive, la Robotic Process Automation est davantage une technique qu’une nouvelle technologie. Elle vise à diminuer le risque opérationnel né de l’automatisation locale mise en place par les équipes opérationnelles pour améliorer leur efficacité en utilisant différents outils, tels que Microsoft Excel et VBA. Ces scripts d’automatisation sont très sensibles à tout changement du modèle de données ou de l’interface utilisateur. La RPA consiste à choisir une infrastructure informatique unique pour l’industrialisation du développement de ces « macros » et à confier leur maintenance aux équipes informatiques plutôt qu’aux équipes opérationnelles. Seules les macros les moins polyvalentes peuvent bénéficier de la RPA.

API et les données sont monnaie courante

Application Programming Interfaces (les interfaces de programmation – API) ne sont plus perçues comme des nouvelles technologies. Elles offrent la possibilité formidable d’étendre les fonctionnalités d’un système d’information existant, à condition de maîtriser les processus d’habilitation et de sécurisation des systèmes.

Les données, que l’on parle de Big ou de Smart Data, sont à la mode, et ce même si cela fait des siècles que l’on a conscience de l’importance de l’information. Ce qui fait aujourd’hui la différence, c’est notre capacité à traiter d’énormes volumes de données. Des données considérées jusqu’ici comme insignifiantes peuvent désormais devenir précieuses.

Trois attitudes face aux nouvelles technologies

Abstraction faite des cabinets de conseil, des indépendants et des futurologues, les gestionnaires d’actifs adoptent différentes attitudes face aux nouvelles technologies. Il y a ceux qui observent, qui essayent de se tenir informés des évolutions, ceux qui testent, qui adoptent une stratégie de produit minimum viable (Minimum Viable Products – MVP) et, enfin, il y a ceux qui agissent et qui intègrent les technologies à leur production. D’après l’enquête “Taking the Long View” de SGSS, parmi les gestionnaires d’actifs, seuls 9 % agissent, tandis qu’ils sont 43 % à observer et 48 % à tester. Il est donc intéressant de se demander comment passer de l’observation ou du test à l’action.

 

Ceux qui testent

Si les nouvelles technologies sont effectivement parées de toutes les vertus que leur prêtent les futurologues, quels peuvent bien être les obstacles qui empêchent ceux qui observent de se lancer dans une phase de test, et ceux qui testent de passer à la phase de production ? Certains consultants vont jusqu’à dire que le secteur de la gestion d’actifs accuse un retard de 5 ans par rapport aux autres secteurs dans la mise en œuvre des nouvelles technologies.

Il n’existe pas de véritable obstacle financier au test d’une nouvelle technologie. Toutes ces technologies se caractérisent par de faibles barrières à l’entrée : les connaissances sont largement diffusées, le matériel informatique est peu coûteux et la technologie du cloud offre la possibilité de payer à l’utilisation en évitant les coûts d’investissements. De plus, de nombreux étudiants sont ravis de pouvoir mettre en pratique ce qu’ils apprennent dans la « vraie » vie. Sans oublier ce que les consultants nomment la « servicialisation » : un service fourni par un tiers par le biais des API peut se substituer à des éléments manquants.

Tester est de plus en plus facile et de plus en plus rapide. Il est donc possible de raccourcir le temps nécessaire pour choisir quels tests poursuivre et quels tests abandonner. Ainsi, les gestionnaires d’actifs n’ont aucune excuse pour ne pas commencer à tester de nouvelles technologies.

Les difficultés pour ceux qui agissent

Il est délicat de passer de la phase de test à la phase de production, car il est nécessaire de bien maîtriser la sécurité. Cependant, d’après l’enquête SGSS, le pourcentage de ceux qui testent (48 %) est plus de 5 fois supérieur à celui de ceux qui agissent (9 %). Autrement dit, de nombreux projets ne trouvent pas d’application concrète dans la pratique métier, ce qui peut s’expliquer par de nombreuses raisons. Les plus évidentes sont liées à une maîtrise insuffisante des processus – un manque de disponibilité des experts métier et des processus mal modélisés – et à la résistance aux changements.

Les autres raisons relèvent d’attentes démesurées vis-à-vis des technologies et d’une mauvaise évaluation de leurs limites. Il faut voir les nouvelles technologies comme de nouveaux outils et non comme un couteau suisse. Les nouvelles technologies ne devraient pas être envisagées comme des solutions en quête de problèmes. Outre ces freins liés à une analyse erronée, d’autres difficultés peuvent provenir des lois et réglementations. Concernant l’IA, par exemple, le machine learning est un outil d’analyse extraordinaire qui vient en soutien à la décision humaine, mais il présente des lacunes dès lors qu’il s’agit d’isoler et d’expliquer la logique d’une décision automatisée à un régulateur.

Sans aller jusqu’à célébrer l’échec, considérer un échec comme un investissement, apprendre de cet échec et faire évoluer le modèle commercial sont de puissants facteurs de réussite, tant qu’il existe un objectif.

En conclusion

Ceux qui agissent semblent avoir en commun une connaissance précise de leur activité et des technologies à leur disposition. La technologie n’est alors pour eux qu’un moyen pour arriver à leurs fins. Ils adoptent tous une approche très pratique de la technologie : ils introduisent les innovations progressivement et les mettent en œuvre rapidement. Ce qui ne veut pas dire que leur activité ne va pas radicalement évoluer, ainsi que le prédisent les futurologues. Cela signifie simplement que leur approche consiste à avancer à petits pas pour finalement faire un bond de géant. Alors, faut-il se lancer, tester, accepter les erreurs et évoluer ou bien s’arrêter de manière prématurée ?

(1) Pan American World Airways avait proposé des réservations pour des vols commerciaux vers la lune entre 1968 et 1971, le premier vol était prévu pour l’an 2000.
(2) Les effets de réseau sont expliqués par Robert Metcalfe : la valeur d’un réseau est proportionnelle au carré du nombre de ses utilisateurs, et David P. Reed : l’utilité d’un grand réseau peut croître de manière exponentielle en fonction de la taille du réseau.