Le Capital Investissement continue de grandir au Maroc

29/09/2022

En 2021, le private equity a réalisé un record historique au Maroc, aussi bien sur les levées de fonds que sur le nombre croissant des entreprises investies.

Le métier du Capital Investissement est représenté par l’AMIC, l’Association Marocaine des Investisseurs en Capital qui a été créée en 2000 et instituée par la Loi 41-05 relative aux Organismes de Placement Collectif en Capital (OPCC).

Outre ses missions de déontologie, de contrôle et de développement des pratiques de place, l’AMIC a pour vocation de fédérer, représenter et promouvoir l’industrie marocaine du capital investissement auprès d’investisseurs locaux et internationaux, des pouvoirs publics et des entrepreneurs.

Le président de cette association Tariq Haddi a commenté l’évolution de l’industrie à fin 2021 en déclarant : « Globalement, nous constatons une maturation en termes d’expérience et de professionnalisation accélérée de l’industrie ».

« Cette activité a affiché une croissance de 1% en 2020, alors que celle des entreprises marocaines a chuté de 30% et que le PIB national est ressorti à -6.3%1», explique Tarik Haddi. L’industrie du capital investissement a su faire preuve de résilience et battu des records au plus fort de la pandémie. A cet effet, elle a affiché de bonnes performances au cours de l’année 2021, à l’image du niveau de levées de fonds et de la progression des entreprises investies.

Le secteur du capital investissement doit cette performance notamment à la loi sur les OPCC (organismes de placement collectif en capital). « L’année 2021 était favorable à l’activité, notamment avec la mise en place de la loi sur les OPCC qui a permis un saut qualitatif aussi bien en matière de conformité, de système d’information ou de contrôle interne », explique le président de l’AMIC.

2021, une année record en termes d’investissement

En 2021, les investissements réalisés par 12 sociétés de gestion, s’élèvent à 1,15 MMDH, soit 109 M€. Ils portent sur 22 nouvelles entreprises investies et 8 réinvestissements2.             

Par ailleurs, il est à noter que les organismes de développement internationaux sont fortement présents dans ce secteur. L’AMIC relève que leur part est en forte progression depuis la première génération de fonds (2000-2005).

Nous avons à cet effet recueilli le témoignage de Farid Benlafdil, Associé chez AfricInvest, qui nous expose les raisons d’un tel engouement des investisseurs internationaux sur ce segment :

« Il faut rappeler que l‘émergence et le développement de cette classe d’actifs au Maroc a été fortement soutenue par l’intervention des organismes de développement internationaux (communément appelés DFIs). Après un démarrage timide dans les années 2000, le track-record du capital investissement marocain se classe parmi les meilleurs en Afrique du Nord, et ce grâce à une offre en Equity plus fournie et de plus en plus de professionnels du VC/PE. En outre, l’environnement de l’investissement au Maroc et son ouverture à l’international ont également créé un cadre favorable au développement de cette industrie, portée par des investisseurs très sensibles aux questions réglementaires et notamment en matière de circulation des flux de capitaux ».

Graphique

Source : Rapport AMIC 2021

L’Union européenne reste le partenaire privilégié du Maroc

« 63% des levées pour la 4ème génération de fonds (2017-2021) proviennent de capitaux étrangers, dont 52% apportés par des organismes de développement internationaux et 59% d’origine européenne (source : Rapport AMIC 2021 ci-dessus). L’Union européenne étant le partenaire privilégié du Maroc.

Nous relevons également que ce véhicule d’investissement a eu des impacts socio-économiques très favorables à différentes échelles : sur le développement et la résilience des entreprises soutenues en période de pandémie, sur leur gouvernance, sur la compétitivité, sur l’emploi… ».

A la question « Quels sont les atouts du Capital Investissement au Maroc ? » Farid Benlafdil nous répond :

« Le Maroc dont le secteur privé est substantiellement porté par les PME/ETI3 offre de nombreuses opportunités d’investissement dont la création de valeur se trouve à la fois dans le potentiel d’amélioration de leur stratégie/gouvernance d’une part, et le levier apporté par un financement en equity dans un environnement caractérisé par une sous-capitalisation chronique/surendettement des entreprises. En outre, il existe un terreau non négligeable d’entreprises en phase de succession générationnelle que le capital investisseur est en mesure d’accompagner ».

On relève que le Capital Amorçage et le Capital Risque commencent à connaître une bonne dynamique aujourd’hui grâce aux nouveaux fonds d’investissement OPCC et à l’initiative de la Caisse Centrale de Garantie (devenue Tamwilcom).

Tamwilcom est une institution financière publique régie par la loi bancaire. Elle représente l’intervenant unique de l’Etat en matière de garantie publique des financements.

Elle a pour mission d’intervenir, avec ses partenaires du secteur financier, pour répondre aux besoins des entreprises marocaines, à travers une panoplie d’instruments de financement adaptés à chaque étape de leur cycle de vie.

Graphique

Source : Rapport AMIC 2021

À fin 2021, les investissements en Capital Amorçage et Risque représentent 32 % des investissements réalisés en nombre et 7% en valeur. Leurs parts sont passées de 26% entre 2006 - 2011 à 48% entre 2017 - 2021 (en nombre).

Côté performances, le taux de rentabilité interne (TRI) brut moyen se situe à 13% avec une durée moyenne d’investissement de 6 années. Le multiple global du secteur est de 2 (1,2 pour l’amorçage/risque – 2,3 pour le développement et 1,8 pour la transmission).

Par ailleurs, les trois secteurs les plus attractifs pour les fonds d’investissement dans les 5 prochaines années sont la Santé, les Services et l’Industrie agro-alimentaire.

Les secteurs de la santé, des services et de la construction affichent les TRI les plus élevés avec respectivement 26%, 18% et 17% ».

Sur le plan des ressources humaines, M. Haddi a fait état « d’une professionnalisation » et « une montée en expérience » des équipes de gestion, dans la mesure où chaque collaborateur compte en moyenne 13 ans d’expérience et 15 opérations d’investissement.

Farid Benlafdil partage avec nous ses estimations quant aux perspectives pour les années à venir du Capital Investissement :

« A fin 2021, MAD 4,6 Mds (437 M€) de capitaux sont disponibles à l’investissement et plusieurs initiatives de fonds continuent de voir le jour dans les différents segments de marché. Sur les trois prochaines années, l’investissement est estimé à MAD 4,2 Mds (399 M€) sur la base de la dernière étude de Grant Thornton. Il reste toutefois tout un pan du marché qui est mal servi par les fonds de PE qui opèrent au Maroc, à savoir les PME/PMI qui réalisent un chiffre d’affaires inférieur à MAD 100m (9,5 M€) et dont les besoins de financement ne dépassent guère les MAD 50m  (4,7 M€) . Cependant, ce manque au niveau national devrait bientôt être pallié par l’arrivée sur le marché du Fonds Mohammed VI pour l'Investissement ».

Enfin, le Private Equity est souvent considéré comme un investissement à risque. Nous avons demandé à Omar Senhaji, directeur de Société Générale Securities Services Maroc, comment le capital-risque marocain a néanmoins réussi à attirer la collecte des investisseurs internationaux :

« Les nouveaux fonds OPCC se conforment aux standards de sécurité des marchés internationaux. Notamment un dépositaire indépendant de la société de gestion a été institué par la loi, pour contrôler la régularité des investissements du fonds. Société Générale Securities Services a été un des premiers dépositaires à lancer son offre OPCC en s’appuyant sur l’expérience acquise depuis de nombreuses années en Europe sur cette classe d’actif ».

Azahraa Lahlou, Conseiller en gestion d'actifs, SGMA


1Source : Les éco.ma, 13 Juin 2022
2Source : La vie éco, 21 Mai 2022
3 PME : Petites et moyennes entreprises, et ETI : Entreprises de taille intermédiaire.