Afrique : la consolidation des principales bourses semble prendre forme avec le lancement de l’interconnexion de 7 bourses africaines en novembre dernier

24/03/2023

Lancé en 2022, le Projet de liaison des bourses africaines (African Exchanges Linkage Project, AELP) a permis l’interconnexion entre les sept bourses africaines membres en Afrique du Sud, au Nigeria, au Maroc, en Égypte, au Kenya, en Côte d’Ivoire et à l’île Maurice et l’exécution de transactions transfrontalières.*

Le concept d’AELP a été défini par l’Association des bourses de valeurs africaines (African Securities Exchanges Association, ASEA) et la Banque africaine de développement (BAfD). La première phase a été financée par une subvention du Fonds fiduciaire de la coopération économique Corée-Afrique (KOAFEC) géré par la Banque africaine de développement.

La mission de l’AELP est de favoriser les transactions sur titres et les règlements transfrontaliers en Afrique.1

Pour ce faire, une plateforme électronique, The AELP Trading Link, a été créée afin de garantir la continuité des échanges transfrontaliers entre les bourses membres. Pour sa phase initiale, l’AELP a mis en relation les sept bourses suivantes qui ont adhéré au projet : la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) qui se compose de huit marchés d’Afrique de l’Ouest, la Bourse de Casablanca (CSE), la Bourse d’Égypte (EGX), la Bourse de Johannesburg (JSE), la Bourse de Nairobi (NbSE), la Bourse du Nigeria (NiSE) et la Bourse de Maurice (SEM). Ces sept bourses représentent 2 000 entreprises dont la capitalisation boursière s’élève à environ 1 500 milliards de dollars US (ÉTATS-UNIS).2

La négociation transfrontalière de valeurs désigne la négociation de valeurs mobilières sur un marché étranger. Dans ce cas, un investisseur peut ouvrir un compte auprès d’un courtier étranger dans un autre pays et passer un ordre par l’intermédiaire d’un courtier étranger.3

C’est là qu’intervient l’AELP, grâce à un mécanisme appelé « Sponsored Access » (Accès sponsorisé). Selon ce modèle, un courtier en bourse enregistré auprès d’une bourse de valeurs membre reçoit un ordre d’un client national et demande ensuite à un courtier enregistré auprès d’une autre bourse d’exécuter la transaction sur ce marché. Il revient alors au courtier qui reçoit la demande de s’assurer du respect des règles et pratiques du marché sur lequel les titres seront achetés ou vendus.4

AELP est un projet ambitieux et stratégique à l’échelle de l’Afrique. Quelle serait le plus beau résultat que le continent pourrait en tirer à moyen et long terme ? M. Edoh Kossi AMENOUNVE, président de l’Association des Bourses de Valeurs Africaines, l’un des principaux sponsors de l’AELP, partage son point de vue :

« L’AELP vient par ailleurs compléter utilement les grands chantiers d’intégration de l’Afrique, notamment la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAF) et le Système de Paiement et de Règlement Panafricain (PAPSS). A moyen terme, la plateforme enregistrera de nouvelles bourses. Sur une vision à moyen et long terme, l’AELP va atteindre deux autres phases. La deuxième est celle de l’agrément unique pour les courtiers qui peuvent aller directement sur n’importe quel marché du Continent. La troisième phase sera celle où les Etats, les institutions et les entreprises du continent pourront lever des ressources à l’échelle de l’Afrique quel que soit leur pays de localisation. L’épargne du continent serait au service de l’ensemble de l’Afrique. Par ailleurs, cette phase aboutira à la création d’une bourse panafricaine susceptible d’être compétitive et comparable aux marchés boursiers existant sur les autres continents ».

Face au poids lourd économique et financier qu’est l’Afrique du Sud, quel doit être le rôle de l’UEMOA, de la Côte d’Ivoire, et de la BRVM sur ce grand échiquier boursier africain ?

« En effet, parmi les poids lourds économiques en Afrique, le TOP 3 est constitué par le Nigéria avec un PIB de 504,203 milliards de Dollars, ensuite l’Egypte avec un PIB de 469,094 milliards de dollars et l’Afrique du Sud avec un PIB de 411,48 milliards de dollars tous membres de l’AELP. En matière boursière, ce n’est pas le poids économique qui compte mais le potentiel de rendement. Historiquement les bourses des marchés émergents et en développement ont surperformé les bourses des pays développés et attiré plusieurs investisseurs. L’UEMOA est une zone économique à fort potentiel avec une croissance au-delà de la moyenne continentale et un cadre macroéconomique et budgétaire rassurant. Ceux sont des atouts pour nous », déclare M. Edoh Kossi AMENOUNVE.

L’avenir de l’AELP s’annonce prometteur, selon son principal sponsor, mais quelle est l’opinion des acteurs du marché ? Nous avons choisi de questionner un broker, Jean-Charles KWAO, Directeur des Marchés de Capitaux, Société Générale Capital Securities Afrique de l’Ouest :

« SGCS WA (Société Générale Capital Securities West Africa) est l’une des premières sociétés de courtage de la zone UEMOA et l’une des plus importantes. Nous possédons 25 ans d’expérience sur le marché des capitaux en Afrique de l’Ouest (BRVM).

Il était donc impensable de ne pas prendre part à l’AELP. En effet, notre volonté est de participer activement au développement de notre marché boursier, ce qui aura un impact positif sur l’économie des pays africains. L’innovation est également au cœur de tout ce qu’entreprend le groupe Société Générale.

Notre objectif est d’offrir à nos clients (personnes physiques ou investisseurs institutionnels) la possibilité de diversifier leurs investissements en accédant à d’autres bourses africaines.

À moyen terme, nous visons à devenir une référence sur cette nouvelle plateforme Direct FN proposée par AELP en termes de montant des transactions et de qualité d’exécution des ordres pour nos clients.

Nous commencerons par la Bourse de Casablanca, mais nous prévoyons également d’étendre notre champ d’action à l’Afrique du Sud, au Nigeria, à l’Égypte, au Kenya et à l’île Maurice à un stade ultérieur ».

Parmi les acteurs du marché, les investisseurs jouent un rôle clé en leur qualité de bénéficiaires finaux des transactions. Comment voient-ils l’AELP ? M. Youssef LYAMMOURI, Directeur des investissements de la compagnie d’assurances La Marocaine Vie, a aimablement accepté de nous donner son avis :

« Les entreprises d’assurances au Maroc peuvent réaliser des placements en valeurs étrangères dans la limite de 5% du total actif et après accord préalable de l’Autorité de Contrôle des Assurances et de la Prévoyance Sociale (ACAPS). Cette mesure vise à encourager le secteur des assurances au Maroc à diversifier son portefeuille d’actifs tenant compte des objectifs de rendement et de maitrise des risques.

Les entreprises marocaines affichent une présence remarquable sur le continent africain. Les perspectives de croissance économique en Afrique sont prometteuses. Par conséquent, les marchés boursiers africains présentent des opportunités d'investissement attrayantes. Par ailleurs, les marchés boursiers de nombreux pays africains ont des niveaux de valorisation et de rendement intéressants. C’est ainsi que le lancement du projet d’interconnexion des bourses africaines (AELP) constitue une réelle opportunité pour les assureurs marocains, et ce dans un contexte caractérisé par un manque de produits et de titres en circulation à la bourse de Casablanca.

De ce fait, la connexion des marchés africains offrirait des produits diversifiés et un accès à un grand nombre d’entreprises d'Afrique et en particulier les plus grandes. En outre, Ce projet devrait contribuer à lever certains obstacles en facilitant notamment la libre circulation des informations ainsi que l’harmonisation des réglementations ».

Bien entendu, la connexion des bourses pose la question de la consolidation du marché de la conservation. Marie-Antoinette Nzebo, Responsable de SGSS Côte d’Ivoire, souligne :

« Il ne fait guère de doute qu’à long terme les investisseurs privilégieront le recours à un seul courtier et à un seul dépositaire pour leurs avoirs africains. Le processus sera probablement long, mais nous nous préparons déjà - et ce sera probablement un sujet porteur pour un prochain article ! »                                                                  

Jean-François Marchand, Country Relationship Manager et Cyril Monney, Assistant Country Relationship Manager, Societe Generale Securities Services

*https://africanexchangeslink.com/african-exchanges-linkage-project-aelp-goes-live-on-cross-border-trading/
1https://african-exchanges.org/the-african-exchanges-linkage-project-aelp/

2https://africanexchangeslink.com/african-securities-exchange-association-asea-african-development-bank-launch-aelp-e-platform-linking-seven-african-capital-markets-with-1-5-trillion-market-capitalization/

3https://www.twse.com.tw/ch/products/publication/download/0001000024.htm#:~:text=Cross%2Dborder%20trading%20refers%20to,or%20other%20means%20of%20communication.

4
http://african-exchanges.org/wp-content/uploads/2020/11/overview_of_aelp.pdf