Crypto-actifs : vers un durcissement législatif et réglementaire ?

24/05/2022

Enjeux réglementaires : des pratiques innovantes à l’évolution de la loi...

  • Envolée des transactions surcrypto-actifs et diversification des pratiques

Les crypto-actifs connaissent une popularité croissante auprès du public, de l’achat de bitcoins aux tendances des NFT. Ce contexte a incité des acteurs tant publics que privés à développer de nombreux nouveaux projets. On peut citer à titre d’exemple le développement d’une série de nouveaux NFT par des marques de luxe, ou encore le développement de projets de banques centrales et d’expérimentations sur les crypto-actifs.

L’utilisation et la création de nouveaux crypto-actifs et de nouveaux services dans ce domaine sont actuellement portés par des entreprises technologiques et cryptographiques innovantes, mais aussi par des acteurs traditionnels et des nouveaux venus dans la sphère bancaire et financière.

  • Des réglementations nationales aux cadres régionaux : nécessité d’uniformiser les pratiques du marché et de fixer des règles de concurrence

De la création d’un statut national…

Au cours de ces dernières années, au niveau européen, plusieurs pays ont légiféré sur les activités autour des crypto-actifs, tels que l’Allemagne, le Luxembourg et l’Estonie. En France, le législateur s’est emparé de la question de la supervision de ces activités en 2019. Un statut spécifique a été créé, celui des prestataires en services sur actifs numériques (PSAN). Ce statut comprend (1) l’enregistrement obligatoire de certains services, à savoir la conservation, l’achat ou la vente de crypto-actifs en monnaie fiduciaire, la conversion de crypto-actifs et l’exploitation d’une plateforme numérique de négociation de crypto-actifs (le défaut d’enregistrement est passible d’amendes et de peines d’emprisonnement) et (2) un agrément optionnel pour la fourniture d’autres services sur actifs numériques. Cette initiative a été couronnée de succès. À ce jour, il existe 30 sociétés enregistrées en tant que PSAN. Aucune n’est encore titulaire d’un agrément de PSAN.

… au projet d’un règlement européen sur les crypto-actifs

Au niveau européen, la Commission européenne a publié une proposition de règlement sur les marchés de crypto-actifs (MiCA). Ce texte harmonisera les règles applicables aux services sur actifs numériques au niveau de l’Union européenne (UE). Seules les entreprises agréées en tant que prestataires de services sur actifs numériques pourront fournir ce type de prestations. Le règlement européen MiCA imposera de nouvelles règles sur les stablecoins (qui peuvent être qualifiés de cyberjetons indexés, ou de jetons de monnaie électronique ou de monnaie électronique) et limitera/interdira certaines pratiques et offres du marché DeFi (prêt, emprunt donnant accès à des récompenses pour les clients) pour les cyber-jetons indexés. Le texte est encore en discussion au Parlement européen. Les nouvelles exigences sur les protocoles de preuve du travail (comme le bitcoin) font notamment l’objet de débats houleux, alors que les décideurs européens ont toujours fait valoir que la législation européenne devrait être neutre en matière de technologie. Le texte est attendu par les acteurs des marchés, car il offrira de nouvelles opportunités, mais pourrait également restreindre certaines pratiques existantes. Il aura au moins la vertu d’harmoniser les pratiques au sein de l’Union européenne et aidera, au niveau régional, à lutter contre les pratiques de concurrence déloyale.

Concernant les autres réglementations de l’UE impactant les services sur actifs numériques

Le Régime pilote s’inscrit dans le cadre d’un ensemble de mesures de la Commission européenne visant à débloquer et à améliorer le plein potentiel du financement numérique pour l’innovation et la compétitivité. Le plan de financement numérique fournit une nouvelle stratégie de financement numérique visant à ce que le secteur financier de l’UE adopte et mène la révolution numérique, avec l’aide d’entreprises européennes innovantes, de sorte que la finance numérique profite aux entreprises et consommateurs européens. Le texte sur le Régime pilote portant sur la commercialisation des jetons de sécurité (c’est-à-dire les instruments financiers émis et/ou enregistrés dans une DLT/Blockchain) a été adopté, permettant de supprimer les obstacles réglementaires à l’émission et à la négociation d’instruments financiers sur les réseaux blockchain.

En ce qui concerne la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB-FT)

Au niveau français, les PSAN sont actuellement soumis aux règles françaises en la matière. Au niveau européen, la Commission européenne a publié, en juillet 2021, quatre propositions de règlements dans ce domaine, et notamment un projet d’amendement au règlement UE 2015/847/UE sur les transferts de capitaux afin d’inclure des obligations spécifiques aux PSAN, directement liées aux travaux récents du Groupe d’action financière (GAFI). Ce texte permettra d’harmoniser les exigences applicables aux crypto-actifs et d’éviter les pratiques d’élection de juridiction visant à contourner les règles de LCB-FT.

Vers une plus grande réglementation des nouvelles activités ?
  • La question des NFT

Les jetons non fongibles ont été sous le feu des projecteurs au cours de ces derniers mois, d’importants projets étant développés dans différents secteurs. Théoriquement, un NFT est un actif numérique et cryptographique enregistré sur une blockchain, représentant des éléments numériques ou physiques, qui, contrairement à d’autres actifs numériques habituellement interchangeables et fongibles, a un caractère non fongible. L’acheteur du NFT se voit remettre un certificat chiffré numérique qui permet de se connecter de manière unique à un contrat intelligent réalisé sur une plateforme blockchain et d’accéder ensuite à diverses prérogatives (comme l’accès à un produit numérique, un produit physique ou des services spécifiques). En France, la législation ne prévoit pas explicitement de règles spécifiques applicables aux NFT, et ne les exclut pas non plus expressément des régimes réglementaires existants actuellement en vigueur. Par conséquent, l’analyse réglementaire des projets de NFT en vertu du droit français dépend principalement de la qualification juridique des NFT en question. Au niveau européen, le projet MiCA peut exclure le NFT de son champ d’application, à moins qu’il ne soit (i) émis à des fins d’investissement et (ii) coté sur des plateformes de négociation susceptibles d’avoir un impact sur plusieurs projets en cours.

  • La création de nouveaux services sur actifs numériques

Certains acteurs de la sphère des crypto-actifs développent et commercialisent de nouveaux produits. Des PSAN et fintechs conçoivent ainsi de nouveaux produits sur le modèle des services bancaires et financiers traditionnels. On peut citer par exemple :

- le livret bancaire en crypto-actifs : un client s’engage à constituer une épargne mensuelle matérialisée par l’achat de crypto-actifs ;

- le staking de crypto-actifs : un client effectue un dépôt de crypto-actifs en échange de gains en crypto-actifs (« récompenses »). Le produit ressemble à un compte, mais qui utiliserait des crypto-actifs pour lesquels, en pratique, il n’existe aucune garantie de restitution du dépôt initial ;

- le prêt de crypto-actifs : un client s’engage à prêter ses crypto-actifs à des protocoles décentralisés ou à des contreparties centralisées en échange de récompenses.

Tous ces nouveaux produits et services sont très similaires à ceux proposés par les gestionnaires d’actifs traditionnels dont les instruments financiers offrent aux clients des pensions, des prêts et d’autres stratégies de couverture pour optimiser le rendement financier d’un portefeuille donné. Pour l’instant, ces services de DeFi et CeFI1 sont exclus du champ d’application du règlement MiCA.

1 Finance centralisée.

Karima Lachgar, Partner, Osborne Clarke
Maia Steffan, Financial Services Lawyer, Osborne Clarke

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